Le Japon encore

Je tiens à vous faire partager deux lectures de cette semaine : « Le journal d’Hiroshima » de Michihiko Hachiya, préface de Benoist Méchin (Albin Michel, 1956) et « Avoir détruit Hiroshima » correspondance de Claude Eatherly avec Gûnther Anders. Préface de Bertrand Russell et de Robert Jungk (Robert Laffont 1962).

Le premier a toutes les qualités du grand reportage : entre « le Peuple de l’Abîme » de Jack London et les revues XXI dont nous parlons souvent ICI, nous pouvons placer ces deux livres, qui ont toute la qualité du grand reportage. Dans le premier l’adage « la réalité dépasse la fiction » trouve sa démonstration. On y découvre l’horreur de l’après explosion, mais aussi la dignité du peuple japonais, son attachement à l’empereur et à son histoire. Certains passages, très durs, ne sont pas sans rappeler « La Route » de Comac MacCarty ou les livres de Ballard tel que « Sécheresse » ou « le vent de nul part ». Mais l’auteur sait aussi prendre de la distance et certaines de ses petites histoires ne sont pas du tout dénuées de poésie.

Dans le second nous découvrons la correspondance de Claude Eatherly qui était pilote de l’avion de reconnaissance qui devança « Enola Gay » au dessus d’Hiroshima, avec Günther Anders disciple de Husserl et d’Heidegger. Il y est beaucoup question de responsabilité et de culpabilité. On notera surtout la préface de Robert Jungk dont nous citons ici un large passage tant il colle à l’actualité : « Nous devrions tous ressentir sa douleur (celle d’Eatherly qui se rend compte de sa culpabilité, qui n’a pas recours au refoulement mais qui pousse un cris d’alarme ou d’autres se taisent, dans une attitude de résignation.) et la proclamer (S’indigner !!!), nous devrions lutter avec toutes les forces de notre conscience et de notre raison contre l’apparition dans le monde de l’inhumain et de l’antihumain.

Mais nous restons muets, nous gardons notre sang-froid, nous jouons les « blasés ».

Notre paix pourtant n’est qu’apparence. En réalité, nous sommes tout aussi incapables de supporter l’épreuve psychologique des « armes » nouvelles. Sous leur impact, les bases de notre existence morale et politique s’effondrent. L’écart entre ce que nous voulons défendre et les moyens mis en oeuvre s’agrandit de jour en jour…. Plus loin : les armes atomiques vident la démocratie de son sens en déléguant à une petite minorité le pouvoir des décisions suprèmes, elles mènent à la déshumanisation des hommes chargées de la défense des pays, puisque ceux-ci  doivent toujours être prêts à jouer leur va-tout. Elle désintègrent dans les pays qui en disposent la foi profonde des citoyens dans leur vocation humaine et morale. »

Sans commentaire…

En prime le cauchemar nucléaire vu par le grand Akira Kurosawa’s en 1990. Extrait de Dreams : le mont Fuji en Rouge. On s’interessera également à la vision de Katshiro Otomo dans Akira…

Le journal d'Hiroshima par Michihiko Hachiya chez Albin Michel en 1956

Le journal d'Hiroshima par Michihiko Hachiya chez Albin Michel en 1956

Avoir Détruit Hiroshima correspondance de Claude Eatherly avec Günther Anders Robert Laffont 1962

Avoir Détruit Hiroshima correspondance de Claude Eatherly avec Günther Anders Robert Laffont 1962