Le premier roman anticolonialiste français ? (1892)

Terre de Mort (Soudan et Dahomey) de P. Vigné d’Octon

« Si l’on exclut quelques écrits de Paul-Etienne Vigné d’Octon, notamment La Gloire du Sabre (1900), La Sueur du burnous (1911), Terre de mort (1892), La Nouvelle sueur du burnous (1924) et le remarquable roman de Victor Segalen intitulé Les Immémoriaux (1907), on pourrait dire qu’il est difficile de parler d’anticolonialisme dans la littérature française d’avant la première guerre mondiale. » in «L’anticolonialisme dans la littérature francaise de l’entre-deux-guerres » Richard Omgba , Université de Yaoundé (Cameroun ) sité par la société intenationale d’étude des littératures de l’ère coloniale sur son site prouve bien l’importance de ce texte. Mais laissons l’auteur s’exprimer :
« Celui-là accomplirait une oeuvre utile et patriotique qui ferait et publierait avec sincérité une enquête sur nos colonie. Ce serait aussi par ce temps d’universelle platitude un acte courageux. » dit-il en début d’ouvrage.

Un peu plus loin page 8 il parle du chemin de fer qui part de Dakkar et traverse le Cayor: « En a-t-on dépensé de l’argent pour faire en douze heures, sur ce quasi funiculaire, deux cent soixante kilomètres dans un pays d’une platitude absolue ? Encore, si, avec cet argent dont l’état s’est montré prodigue envers elle, la compagnie de construction avait livré des travaux sérieux et définitifs.
Loin de là, on a songé à faire vite et le moins cher possible afin de réaliser le plus considérables bénéfices. Aussi chaque année les pluies torentielles d’hivernage enlèvent un morceau de la voie et les réparations occasionent des dépenses énormes. A son tour, la compagnie d’exploitation use et abuse du contrat léonin qui enchaîne l’état, en entretient au Sénégal nombre de fonctionnaires grassement rétribués et parfaitement inutiles. En revanche, a-t-elle dans la métropole une machine au trois quart usée, un wagon démoli, c’est assez bon pour véhiculer des nègres ou des arachides, sous le ciel brûlant de là-bas. »

– Paul Vigné d’Octon (député, 1907) cité à côté de Voltaire, Rousseau, Montequieu, Jaurés, Anatole France, Clémenceau et bien d’autres sur le site anticolonial.net

« J’ai fait ce rêve : il y avait enfin sur la terre une justice pour les races soumises et les peuples vaincus. Fatigués d’etre spoliés, pillées, refoulés, massacrés, les Arabes et les Berbères chassaient leurs dominateurs du nord de l’afrique, les Noirs faisaient de même pour le reste du continent, et les Jaunes pour le sol asiatique. Ayant ainsi reconquis par la violence et par la force les droits imprescriptibles et sacrés qui par la force et la violence leurs furent ravis, chacunes de ces familles humaines poursuivaient la route de sa déstinée un instant interrompue. En oubliant que j’etais français ,ce qui n’est rien, pour me souvenir que j’etais un homme, ce qui est tout, je sentais dans la profondeur de mon être une indécible jubilation. »

In-12 broché, III, 285 pp., dos incurvé et jauni, couverture salie, bon état. Disponible sur notre site Abraxas-Libris