30 Juin 2016
Le bouquin des méchancetés et autres traits d’esprit
Le trait d’esprit, la petite méchanceté assassine, sont comme ces petits bonbons qui piquent la langue mais presque agréablement… On peut dire d’elle ce que dit René Descartes du chatouillement (oui, il y a une théorie cartésienne du chatouillement ! C’est dans le Traité des Passions, article 94 !)
« La cause qui fait que pour l’ordinaire la joie suit du chatouillement est que tout ce qu’on nomme chatouillement ou sentiment agréable consiste en ce que les objets des sens excitent quelque mouvement dans les nerfs qui serait capable de leur nuire s’ils n’avaient pas assez de force pour lui résister (…). C’est presque la même raison qui fait qu’on prend naturellement plaisir à se sentir émouvoir à toutes sortes de passions, même à la tristesse et à la haine, lorsque ces passions ne sont causées que par les aventures étranges qu’on voit représenter sur un théâtre, ou par d’autres pareils sujets, qui, ne pouvant nous nuire en aucune façon, semblent chatouiller notre âme en la touchant. »
Bref, de même que le chatouillement montre au corps sa propre puissance, de même, les traits d’esprit touchent en nous cette pointe d’intelligence qui nous réveille et nous fait sourire, même à nos dépens…
Ce volume de 1153 pages en expose un nombre incroyable, avec délice… Quelques exemple ?
Un client entre dans un restaurant où l’on jouait au violon une valse de Chopin, et s’effondre en pleurs. On s’étonne : « Ah, vous êtes Polonais ? » et lui : « Non, je suis violoniste… »
Ou Benjamin Disraeli qui disait de Daniel O’Connell, activiste irlandais : « Il a commis tous les crimes, à l’exception de ceux qui requièrent du courage… »
Ou encore George Bernard Shaw, par rapport à la superstition disant que conclure un mariage le vendredi portait malheur et que les époux finissaient invariablement malheureux en ménage : « C’est évident, je ne vois pas pourquoi le vendredi ferait exception… »
Bref, des petites perles de méchancetés, à picorer pour vous aiguiser l’esprit…
12 Juil 2016
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La Nuit du Jabberwock, de Fredric Brown
Voici (re)venir un des Dieux de mon Panthéon : FRÉDRIC BROWN !
Frédric Brown était correcteur pour les pulps, ces petits magazines édités chaque mois sur papier de mauvaise qualité (d’où le nom de pulp, faisant référence au papier utilisé), et consacré aux littératures de genre (policier, science-fiction, etc.). Et c’est là, en se frottant au plus proche des textes et de leur facture, qu’il a pris le virus : il s’est mis à écrire.
Des romans policiers, beaucoup. Simplement deux romans de science-fiction (dont l’incroyable Martiens Go Home !, dont j’ai déjà parlé ici). Mais surtout des nouvelles, dans tous les genres, de toutes tailles (il maîtrise incroyablement les très (voire très très) courtes nouvelles, comme dans Fantômes et farfafouilles !)
L’une de ses très grandes réussites (je réalise que cette entame de phrase, je peux l’employer pour toutes ses oeuvres…), c’est un roman policier étrange et fascinant : La Nuit du Jabberwock. Doc Stoeger, directeur du journal local et grand amateur de whisky et de littérature (il voue un culte à Lewis Carroll) vient de boucler son édition. Il va, comme à son habitude, au bistrot de l’autre côté de la rue. En passant la porte, c’est comme s’il traversait le miroir… Il se retrouve dans le monde de son idole, avec des gangsters qui croisent des borogoves… Il tente d’éviter, comme il peut, les tueurs et les cadavres, mais surtout le Jabberwock, qui s’est lancé à ses trousses. En une seule nuit, tout se précipite. Est-ce que tout a basculé pour lui ? Est-il fou ou est-il réellement passé de l’autre côté du miroir ? Sinon : quoi d’autre ?
D’ailleurs, toi, le lecteur : est-ce que tu lis un roman policier ou un roman fantastique ?…
En tout cas, ce qui est certain, c’est que c’est un sacré bon roman ! À lire, sans hésitation !