« C’est de l’abeille (trop peu étudiée jusqu’à ce jour, trop peu appréciée) que je vais entretenir mon lecteur ; je dirai peu de mots sur les circonstances qui m’ont amené aux résultats signalés dans ce petit livre destiné aux enfants et aux hommes auxquels il offrira des points très curieux de moralité, outre la question pécuniaire qui sera résolue. » p12 in Le rucher de J. Auguste Marcellin, 1866.
Abraxas vous invite aujourd’hui à explorer le regain d’intérêt qui s’opère autour de l’apiculture et de la figure de l’abeille à partir de la seconde moitié du XIXè siècle en France (et ailleurs), à travers 4 ouvrages : Le rucherde J. Auguste Marcellin, paru en 1866 à compte d’auteur ; Culture raisonnée facile et économique des mouches à mielpar De Lasalle en 1880, à compte d’auteur également ; La première ruche (vendu) d’Eugène Jobard en 1889, à l’imprimerie du Bien Public à Dijon et les deux premiers numéros de la revue Le Rucher : Organe illustré de la société d’apiculture de la région du Nord de 1890 (portant sur l’exposition universelle de 1889 et vendu également). On y retrouve les abeilles bien sûr, figures à la fois symboliques et pratiques de la nature mais aussi les hommes dans les rapports qu’ils entretiennent avec elles.
Si les produits de leur labeur, le miel et la cire, sont utilisés depuis fort longtemps (on en trouve la mention dès l’Égypte antique), la connaissance de leur apport primordial dans nos écosystèmes en tant que pollinisateur particulièrement efficace, est plus récente. Il faut remonter aux travaux de naturalistes et botanistes allemands (Kölreuter et Sprengel) de la fin du XVIIIe siècle pour trouver des études scientifiques sur ce phénomène qui seront par la suite reprises par Darwin dans la deuxième partie du XIXe siècle.
C’est à cette époque que vont également se développer de nouvelles techniques d’apiculture et ce particulièrement chez les anglo-saxons, comme cela nous est indiqué dans le n°1 et 2 de Le Rucher : Organe illustré de la société d’apiculture de la région du Nord de 1890, on y trouve également des allusions chez De Lasalle. Plusieurs apiculteurs français, professionnels ou passionnés, en prennent exemple pour critiquer les traditions françaises sévissant jusqu’à cette époque comme « l’étouffement » qu’ils n’hésitent pas à qualifier de « barbares » (termes que l’on retrouve chez Marcellin notamment), mais également pour en tirer des parallèles allégoriques s’inscrivant dans une tradition remontant à l’antiquité, chez Aristote et Virgile par exemple.
Intéressons nous d’abord aux ouvrages plus théoriques de cette sélection.
En premier lieu : Le Rucher, Organe illustré de la Société d’Apiculture de la Région du Nord, n°1 et 2 : Rapport sur l’apiculture à l’exposition universelle de 1889, Présenté à la Société d’Apiculture de la Région du Nord de la France par M. Gustave Rifflart, Employé à la Mairie d’Amiens et Membre de la Société (vendu). Cette petite reliure de 71 pages fait état des différents exposants présents à la section d’apiculture de l’Exposition universelle de 1889 ayant eu lieu à Paris.
On y trouve entre autres, dans la partie française, la présence de « Deyrolle, Émile, naturaliste, 46, rue du Bac, Paris » (entrée n°16, p.10) dont l’auteur admire la qualité des équipements et objets d’études, parmi lesquels se trouve une maquette d’abeille d’1m20 de long ; ainsi que la création d’un certain M Robert (entrée n°48, p.25 ) qui a étagé ses rayons de manière à représenter une tour Eiffel, monument iconique de cette exposition. Il est d’ailleurs amusant de noter que le rapporteur loue plus la qualité du miel présent dans ces rayons que la ressemblance avec la tour elle-même.
M. Rifflart profite de cette occasion pour partager des considérations générales sur l’état de l’apiculture en France, y déplorant une prédominance de la méthode dite « fixiste » (où les abeilles sont libres de fixer elles-même leurs rayons) à défaut de celle dite « mobiliste » (où l’on utilise des cadres en bois prévus à cet effet) plus en vogue aux États-Unis et au Royaume-Uni. Indice représentatif d’un changement qui arrive trop lentement et d’un retard technique des producteurs français selon lui. Les États-Unis occupent d’ailleurs une place importante dans l’ouvrage, 20 pages et 9 gravures pour 22 exposants et si la Grande Bretagne ne compte qu’un exposant, 6 pages lui sont consacrées avec 12 gravures soit plus d’un tiers de la totalité (29 pour les ruches et objets associés plus 2 d’exploitations, une grecque et une britannique).
Défini en tant que « Traité pratique » par l’auteur dans sa préface, destiné d’abord aux : « curés, instituteurs, employés des canaux et des chemins de fer, cultivateurs, ouvriers, journaliers etc. » qui « pourraient aisément, sans rien négliger de leurs travaux habituels, augmenter sensiblement leurs ressources en y adjoignant le revenu d’un petit rucher » ; il s’adresse également « à l’universalité des lecteurs ».
De Lasalle y résume ainsi son ouvrage : « il y a renfermé [parlant de lui] toutes les connaissances théoriques nécessaires pour la culture raisonnée des mouches à miel, l’explication de toutes les méthodes économiques, même les plus nouvelles, qui ont été sanctionnées par l’expérience, et la description exacte de toutes les opérations pratiques que l’apiculteur peut être conduit à exécuter : sous ce triple rapport, l’ouvrage est au courant des plus récentes notions certaines qui soient acquises sur les abeilles. »
L’auteur se révèle fidèle aux promesses de sa préface. Au fil de ces 312 entrées réparties sur 9 chapitres, est présenté de manière succincte et didactique tout ce que l’apiculteur de l’époque (mais qui est en grande partie valable également pour celui d’aujourd’hui) doit savoir : exploration d’une ruche occupée par des abeilles, description de sa composition, de ses rythmes, conditions et pratiques de l’essaimage « naturel » et « artificiel », moyens de récolte, préparation de ses produits, détail mois par mois des travaux apicoles à effectuer, descriptions et prescriptions des maladies et dangers menaçants la ruche ainsi qu’un point sur la législation en vigueur alors.
On se retrouve ainsi avec une précieuse synthèse de savoirs relatifs à l’apiculture, à la fois historiques et pratiques.
Si les 2 ouvrages précédents sont remarquables pour les témoignages factuels et techniques qu’ils proposent, les 2 prochains possèdent un élément plus surprenant mais particulièrement intéressant : le recours à la narration comme ressort didactique.
En effet, l’Utilité des abeilles, La Première Ruche (vendu) d’Eugène Jobard, publié par l’imprimerie du Bien Public à Dijon en 1889, se présente comme la continuation d’une « petite brochure » nommée Utilité des abeilles, d’abord imprimée et distribuée par les soins de l’auteur. Celle-ci narrait le retour de ce dernier dans son village d’origine, « vivement frappé par la stérilité des arbres fruitiers » et comment il y remédia par la réhabilitation du rucher de la maison paternelle. Il semblerait que celle-ci ait rencontré un grand succès par sa recension dans un article du Petit Journal ce qui, toujours selon les dires d’Eugène Jobard, aurait créé un engouement telle qu’il fut amené à en écrire un ouvrage plus complet. Constatant qu’il n’aurait pu que « rédiger un traité qui n’eût été qu’une simple compilation » il résume ainsi sa démarche : « J’ai réfléchi longuement, et le mieux me parut être de raconter tout simplement ce que j’ai vu, ce que j’ai fait. Et je dirai avec La Fontaine : Mon voyage dépeint / Vous sera d’un plaisir extrême. / Je dirai : J’étais là ; telle chose m’avint. / Vous y croirez être vous-même. »
C’est donc cette édition remaniée et augmentée que nous avons le plaisir de vous présenter aujourd’hui. Si l’ouvrage semble reprendre la trame brossée dans Utilité des abeilles, il la développe et l’amende sur 192 pages. L’auteur y dresse le portrait d’une campagne en mutation, marqué par l’exode rural et une transformation des méthodes agricoles qui en s’intensifiant, s’éloignent d’un rapport sensible à la terre qu’elles exploitent. La grande thèse du livre est de démontrer l’utilité, insoupçonnée et oubliée, des abeilles pour l’ensemble des cultures et de la flore en général. À travers de nombreux exemples et mises en scènes – en bon pédagogue du XIXè siècle dispensant ses leçons avec hauteur et bienveillance – il va argumenter dans ce sens, répondant aux peurs des villageois (piqûres, masse de travail supplémentaire etc.) tout en leur explicitant les gains, assurés et faciles, autant pécuniaires qu’environnementaux, qu’une multiplication des ruchers engendrerait.
Tout cela développé au sein d’un récit cadre riche en situations et personnages pittoresques, de la bonne et sa fille dévouées espérant un bon parti sans oser le chercher, au curé docte et habile médiateur en passant par les cours sous forme de veillées dispensés par le bon notable de retour en son pays d’enfance ; La Première Ruche d’Eugène Jobard s’avère être un objet littéraire et technique des plus agréables et curieux.
Fait amusant, un article tiré d’un journal du même nom que l’imprimerie nous apprend que l’auteur aurait été un imprimeur féru d’apiculture (Eugène Jobard donc de l’imprimerie du Bien Public à Dijon) dont l’immeuble, qu’il aurait fait construire à la même époque que la publication de son livre, arbore une sculpture d’abeille sur son frontispice.
Le dernier texte de notre sélection se présente à la fois comme la synthèse et le prototype des ouvrages précédents. Écrit à la fois théorique, pratique et narratif, il semble tenir à embrasser l’ensemble du domaine apicole en utilisant les formes qui lui semblent les plus appropriées sans pour autant chercher à donner un cadre unificateur à sa production.
Il est néanmoins intéressant de constater qu’il fut écrit et publié avant les ouvrages étudiés précédemment et peut ainsi poser la question de sa postérité et de son influence.
Si le traité pratique de Marcellin sort peu après (1866) la version française de L’origine des espèces de Darwin (1862), l’apiculteur et auteur choisit plutôt de se placer sous le patronage d’Alphonse Karr (auteur romantique et satirique français, ayant notamment écrit Sous les tilleuls et créé la revue satirique Les Guêpes, mais ayant également exercé la floriculture à Nice) à qui il dédie son opuscule et dont la lettre de réponse (affirmative) suit cette dédicace dans l’ouvrage.
Cette affiliation nous renseigne potentiellement sur les intentions profondes de l’auteur. Bien que s’inscrivant de fait (par sa volonté de description détaillée et comparative des techniques d’élevages mais aussi du comportement des abeilles) dans la veine des scientifiques et éleveurs naturalistes de son temps, l’apiculteur passionné d’Aix-en-provence tient aussi à utiliser ses connaissances pour dresser des analogies d’ordre plus morale et philosophique à l’instar du travail de Karr, dans son Voyage autour de mon jardin par exemple.
Le Rucher, se découpe en deux parties : une première plutôt orientée pratiques et techniques, avec comme éléments notables une description des avantages et inconvénients de trois modèles de ruches qu’il juge intéressants, suivi d’un de son invention et des lois du code civil régissant la propriété des dites ruches (on y retrouve également une bonne partie des éléments développés dans des traités ultérieurs comme celui de De Lasalle présenté précédemment) ; une deuxième consistant en un récit présenté comme étant tiré d’un évènement réel et ultérieur à la rédaction de la première partie, où l’auteur relate un échange qui a lieu entre celui-ci, un comte de sa région et son jardinier « Jean ».
Penchons-nous un moment sur cette seconde partie. Le comte y est désigné en tant que « le comte » alors que les deux autres protagonistes bénéficient de leur patronyme respectif. La discussion relève presque de l’échange socratique, Marcellin expose et amène le comte ainsi que son jardinier à considérer différemment les abeilles en développant ses théories et découvertes en matière d’apiculture à travers une série de questions-réponses, habilement menée, pour les faire entendre à Jean de manière organique.
Par conséquent l’ensemble se trouve être assez didactique, avec le « professeur-apiculteur » Marcellin qui allie connaissance théorique et pratique de terrain, le jardinier Jean représentant le « commun », le « populaire » et le comte comme intercesseur, qui est facilement convaincu du bien-fondé des explications de l’auteur. La désignation plus impersonnelle du noble et sa position avantageuse dans l’échange peut nous donner l’impression que le destinataire moral, en quelque sorte, du récit serait l’ensemble des « Jean » mais que le destinataire pragmatique serait plutôt représenté par « le comte », étant celui détenant les capitaux et qui serait le plus à même de faire appel aux services de l’apiculteur.
J. Auguste Marcellin nous fournit ici un exemple singulier et étonnant de traité pratique. En effet si on y trouve bien les observations et préconisations habituelles (ou qui le deviendront), ainsi que des réflexions philosophiques basées sur une tradition allégorique, le tout se révèle aussi être un objet de publicité intriguant mais finalement peut-être assez caractéristique de son époque.
Ainsi nous avons pu observer à travers ces quatre textes des tendances communes : une attention particulière portée à l’apiculture comme un moyen simple et accessible pour « le peuple » de s’assurer un revenu subsidiaire, avec parfois une emphase placée sur le bénéfice environnemental ajouté, nous avertissant déjà sur l’importance primordiale des abeilles pour nos écosystèmes (chez Jobard particulièrement) ; mais également un aspect moral, édificateur, qui n’est cependant pas toujours analysé de la même manière : Jobard donne l’exemple d’une ruche retrouvée dans un conduit de cheminée inusité où l’on pouvait dénombrer plusieurs reines à la fois, signe pour lui d’une cohabitation possible et d’une forme de communauté d’entraide plutôt que de compétition et de hiérarchie, alors que Marcellin met plus en avant l’aspect industrieux et humble de l’insecte ailé que tout le monde devrait suivre. On constate également le développement de manuels et traités pratiques destinés au grand public ainsi que la propension scientifique, qui prend racine à cette époque, à rationaliser ces pratiques.
Alors si les techniques agricoles et le monde rural, ainsi que les avancées scientifiques de la seconde moité du XIXè siècle vous intéressent, n’hésitez pas à venir jeter un coup d’œil aux ouvrages mentionnés précédemment et à notre section apiculture en général.
Nous avons le plaisir de vous proposer aujourd’hui un ensemble d’ouvrages qui intéressera les collectionneurs !
Réunissant un envoi autographe pleine-page de Céline, plusieurs de Cocteau, un d’Aragon et un autre de Ionesco (au sein d’une série destinée au couple Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud), mais aussi des envois dessinés, très souvent pleine-page, de Fassianos et de Combas, parmi bien d’autres… Il est notable que certains d’entre-eux aient appartenu à Serge Tamagnot (mentionné dans de nombreux envois), figure de la nuit parisienne et photographe de ses nombreux amis artistes comme Marcel Jouhandeau ou Violette Leduc.
Le premier élément remarquable de cet ensemble est une réédition (de 1952) de la thèse de médecine que Céline soutint en 1924 (paru chez Gallimard en 1937) :Semmelweis. Celle-ci traite du médecin obstétricien hongrois éponyme, précurseur de Pasteur dans le combat contre les microbes en milieu hospitalier. Il ne réussit malheureusement pas à convaincre le milieu médical de son époque de l’importance capitale de se laver les mains entre deux interventions, pour éviter la contamination, notamment entre une dissection et un accouchement. Cet ouvrage est considéré comme le premier texte littéraire de l’auteur qui s’il ne déploie pas toute son ampleur, montre déjà une partie de son talent et de sa ferveur dans le récit de vie de cet avant-gardiste incompris, en partie à cause de son caractère envahissant. L’envoi autographe dont nous disposons est d’autant plus intéressant qu’il est dédié à un « confrère », inconnu du grand public mais que l’écrivain-médecin semblait tenir en haute estime. D’ailleurs si Céline s’est souvent refusé à dédicacer ses œuvres pour des gens connus, il a écrit plusieurs envois à des « gens ordinaires ». De plus notre exemplaire est un service de presse.
Dans un autre registre, notre ensemble comporte également plusieurs ouvrages de Jean Cocteau dédicacés par l’auteur à différentes personnes mêlant sa vie artistique et intime, on y retrouve : Arthur Pétronio, inventeur de la Verbophonic (un mouvement proche de la poésie lettriste et sonore) et le couple de théâtre et de cinéma Renaud-Barrault « en vieil ami ». À cela s’ajoute une édition originale de La Belle et la Bête, Journal d’un film (1946) avec un envoi autographe et dessin originale de Véronique Filozof (artiste dont Cocteau fut l’ami et le mécène et à qui il avait écrit : « Je te dis « tu » parce que j’aime ce que tu fais » en découvrant son travail). Cette dernière y relate une soirée en compagnie mondaine, en présence de Jacques Prévert et Max Jacob entre autres, où les personnages du film sont mentionnés, exposition ou soirée privée elle eut lieu dans le quartier latin, rue Danton.
On retrouve aussi plusieurs autres envois dédiés au couple mythique Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud sous la plume de Ionesco, Aragon et Triolet où l’on perçoit à la fois complicité et admiration, pour ces deux figures majeures de la vie artistique parisienne du siècle dernier. On peut rappeler que le couple joua et mis en scène plusieurs pièces d’Ionesco ainsi que de Beckett, particulièrement apprécié de Madeleine Renaud qui créa notamment la Winnie de Oh les beaux jours.
On retrouve Cocteau et Claudel (un des pères de substitution de Jean-Louis Barrault), entre autres, au sein de la bibliothèque de Serge Tamagnot. Ce dernier collectionna nombres d’ouvrages variés mais souvent liés à ces amitiés et admirations, on y trouve par exemple une édition originale de La batârde de Violette Leduc, en japonais. Il en fut proche et ce particulièrement au soir de la vie de l’autrice. Alekos Fassianos semblait également tenir une place importante dans le cœur de Tamagnot qui posséda nombres de ses ouvrages dédicacés et truffés d’invitations pour ses expositions dans diverses galeries parisiennes. La liste est trop longue pour que l’on soit exhaustif mais citons tout de même deux ouvrages assez singuliers, un exemplaire du Tirésias de Théophile avec un montage d’image érotique de Marcel Jouhandeau pour Serge Tamagnot, daté et signé du 21 mai 1977 ; ainsi qu’une édition originale d’Encore un instant de bonheur d’Henry de Montherlant, à laquelle a été collé sur la garde le manuscrit d’une version antérieur d’un des poèmes de l’œuvre, intitulé : « Le Bonheur ».
À cela s’ajoute quelques très beaux ouvrages illustrés de poèmes de Rimbaud ainsi qu’une édition originale de la première édition collective des Illuminationset d’Une saison en enfer avec une préface de Paul Verlaine.
Vous avez ainsi pu voir l’intérêt que présente cet ensemble d’ouvrages comportant de nombreux envois particulièrement intéressants, par leurs longueurs et leurs teneurs, ainsi que de beaux dessins originaux pleine-pages ! Et nous avons l’honneur de vous en proposer d’autres encore, que nous ne vous avons pas révélé dans cet article mais que vous pouvez retrouver sur notre site ! Parmi-eux un curieux envoi sur deux pages de Marcel Jouhandeau à Jean-Louis Barrault à propos d’un jeune homme, ainsi qu’un autre de Daniel Boulanger semblant badiner avec Madeleine Renaud …
Quoi de plus plaisant pour l’amateur de bédé que d’ouvrir un album et d’y retrouver, au-dessus de son prénom manuscrit, un dessin original ? Réalisé par l’auteur, il confère une valeur singulière à l’ouvrage ainsi orné. Une valeur à la fois affective et pécuniaire.
Fans
Vous n’avez pas peur de faire la queue des heures durant pour un dessin de votre illustrateur favori ? Munis d’un casse-croûte vous assiégez le stand d’un éditeur, posé sur un siège pliant ? Oui ? Alors vous êtes un authentique chasseur de dédicaces! Mais seriez-vous prêts à vous battre pour ce même dessin ? Peut-être pas… Pourtant, cela arrive parfois sur les plus grands salons et pour les auteurs les plus renommés. « Le fan déçu n’est pas toujours facile à gérer », expliquait il y a quelques années le responsable d’un stand à Angoulême.
Entre promotion et création, l’acte de dédicacer un album à un lecteur, en ajoutant une illustration originale à l’identité du fan, fait couler beaucoup d’encre.
Un véritable business
Pour certains, la revente d’un album dédicacé est devenue assez lucrative pour en faire une activité à part entière. En effet, mettre sur un site de vente en ligne un ouvrage fraîchement signé peut rapporter beaucoup au « lecteur ». Qui n’est plus un fan passant un moment privilégié avec son illustrateur favori mais un spéculateur profitant du travail d’autrui.
Lors d’un salon, il n’est en effet pas rare qu’un dessinateur passe une journée à dédicacer sans pour autant toucher un centime pour ce « bonus » d’encre.
Cette pratique de revente soulève assez de questions pour que des auteurs, dégoûtés, cessent de soulever leur crayon lors des festivals. Sur certains stands de salons, on a institué le tirage au sort de tickets pour obtenir ce moment précieux avec l’illustrateur. Ce qui a conduit à d’autres dérives, comme la revente dudit ticket gagnant !
Faut-il rémunérer les auteurs présents sur les salons et les festivals ? Doivent-ils exiger de leurs acheteurs un supplément pour la réalisation d’une dédicace ? Éditeurs, auteurs, organisateurs… les avis divergent et le débat n’est pas clos. Il ne le sera sans doute jamais.Aux grands salons certains amateurs préfèrent les séances en librairie. Ces lieux plus intimistes permettent souvent de passer un moment complice avec le dessinateur.
Que vous soyez chasseur d’autographes, de dédicaces ou de simples amateurs de dessins originaux, les albums que nous vous proposons, dédicacés avant cette ère de spéculation, ont tous ce petit quelque chose en plus qui ouvre le cadre de l’ouvrage à d’autres univers… parfois plus coquins !
Sources : Le Parisien libéré, France Info, RTBF, Wikipedia, Le Monde, lambiek.net
Que nous raconte un livre de compte ? Quelles histoires se trament entre les lignes de dépenses et de recettes, entre le registre des marchandises exotiques tel le bois de campêche et la grande Histoire de la mondialisation en cours, entre les destinées et turpitudes de l’équipage, capitaine comme matelots, et la révolution industrielle qui s’annonce et va amener le milieu de la navigation à se transformer ?
De quelles mutations et de quelles constantes ces indications et ces chiffres se font l’indice et la trace ?
De l’échelle locale malouine à l’internationale, en nous amenant aux Caraïbes, aux Indes et même aux États-Unis pour La Glaneuse, en passant par les ports français iconiques de Bordeaux, Marseille mais surtout du Havre, les aventures des biens et des hommes se tissent ensemble au fil de ces deux livres de comptes de la marine que nous vous présentons aujourd’hui.
Le premier, celui du capitaine Joulain de Saint-Malo, est le plus volumineux avec plus de cinquante voyages sur deux navires (brick) : Le Saint Esprit, armé par Monsieur Magon de la VieuVille négociant à Saint-Malo, réalisant des cabotages jusqu’aux ports du Havre, de Marseille, de Bordeaux et d’autres encore (Rouen, Malaga…) de 1823 à 1834 et La Glaneuse, armé par Monsieur Magon VieuVille fils toujours à Saint-Malo, à l’usage plus diversifié avec des trajets transatlantiques vers New York, la Nouvelle Orléans ou encore Rio de Janeiro mais aussi plus proches vers Londres ou les habituels ports de Marseille, Le Havre et Bordeaux, de 1835 à 1841.
Il se présente d’une manière organisée, claire et précise dans l’ensemble comme on peut le voir sur les photos ci-dessous.
Le second quant à lui est un peu plus intriguant, plus à même de piquer le néophyte que le premier.
Son auteur est inconnu, ses destinations exotiques: de nombreux trajets vers et dans les Caraïbes (Pointe-à-Pitre, Port-au-Prince, les Gonaïves etc.) puis « les Indes » (Pondichéry, Calcutta…) ; ses navires plus nombreux et ses armateurs pas toujours référencés.
Son écriture change sensiblement et le nombre exact de ses voyages est ambigüe, 11 ou 12, au moins 10 sur une période de 14 ans environ entre 1839 et 1854.
Il en ressort quelque chose de plus personnelle, de plus proche d’accès avec lequel on embarque volontiers.
Peut-être alors cherchera-t-on à trouver à qui pouvait donc bien appartenir ce carnet et trouvera-t-on, suite à quelques heures de recherches dans différents fonds d’archives, qu’il aurait pu appartenir à Louis Adolphe Brion, originaire de Saint-Servan, Capitaine du Pierre François allant à Calcutta, né le 21 Juin 1802 en cette même ville et alors âgé de 45 ans (l’archive date de l’année 1847). Il semble très probable que cela soit le cas vu les usages de la marine à cette époque.
(Liens ci-dessous pour les archives du registre des bâtiments de la Seine-Maritime sur lesquelles on retrouve le Pierre François en partance pour Calcutta en 1848 et les archives de registre de l’équipage du Pierre François allant à Calcutta et datée de 1847, il semblerait cependant que c’est bien le même navire, on retrouve d’ailleurs sur le registre de l’équipage des noms que l’on voit dans la partie « avances faites à l’équipage » à la fin de notre document:
On pourra alors embarquer avec lui au fil de ses voyages et découvrir le bois de campêche, cet arbre tropical d’Amérique latine et centrale, également présent dans les Caraïbes, qui deviendra avec l’occupation espagnole de l’Amérique l’un des principaux colorants mondiaux pendant plusieurs siècles ; permettant des teintes allant du bleu au rouge ainsi que de beaux noirs, il devint très populaire en Europe.
L’on y trouvera aussi tout un vocabulaire caractéristique de l’époque et du milieu du commerce maritime, du boucaut, tonneau de taille moyenne souvent en bois blanc servant à contenir des marchandises sèches, au tafia, une eau de vie de canne à sucre non vieilli faite avec l’écume des sucres et des gros sirops, produisant ainsi une forme de rhum à bas prix (on peut notamment lire « 18 litre tafia pour les noirs et les ouvriers » à la page 30), en passant par les lascars, ces matelots indiens servant dans les marines européennes.
On y appréciera aussi les transactions plus triviales comme la vente de 20 cochons, 72 canards, 1 balle de café de java, 800 œufs, 54 boîtes de conserves et 26 bouteilles de champagne sur l’île Bourbon (actuelle Ile de la Réunion) ; une ballade en éléphant en Inde ; un bandage pour un matelot ou encore le blanchissage de linge de table lors du voyage d’un certain Mr Decolon de Pondichéry à Madras, passager avec sa suite de domestiques, pions, guides et durant lequel on fait recours à un interprète, des boys et des palanquins.
Ainsi ces carnets nous permettent de nous immerger dans le milieu du commerce maritime du début-milieu du XIXe siècle à travers son langage, ses biens, ses usages (on peut notamment penser aux frais quasi-systématiques de pilotage hors des ports), mais aussi ses passagers ainsi que son équipage. Ce qui peut permettre au lecteur avisé de trouver nombre d’informations intéressantes en termes d’histoire mais aussi de généalogie.
« Silence, l’ennemi guette vos confidences », « Silence l’ennemi écoute, méfiance l’ennemi ment », « Prudence, silence, l’ennemi écoute », « Sachez vous taire, on sait vous écouter » etc.
Autant de slogans reflétant le climat d’« espionnite » régnant au sein du gouvernement et de l’armée durant la « drôle de guerre », où l’immobilisme des troupes pèsent sur les nerfs des français.
On les retrouvait notamment sur les affiches de l’exposition « Tiens ta langue ! », présentée 101 avenue des Champs Élysées à Paris à partir du 17 mai 1940, où étaient exposés une sélection de productions picturales réalisées en parties par des soldats au sein d’une campagne de propagande du gouvernement de Daladier.
C’est d’ailleurs l’affiche de Paul Colin (réalisée durant cette période) : « Silence, l’ennemi guette vos confidences » qui y sera primée.
Elle illustre en effet parfaitement l’obsession de cette « cinquième colonne » – expression symbolisant l’idée de groupes de partisans infiltrés, et ce parmi les civils généralement, œuvrant ou prêts à le faire de l’intérieur pour déstabiliser l’État – qui règne alors.
On y voit une ombre menaçante occupant une bonne partie de la moitié droite de l’affiche, penchée au niveau de la tête des deux personnages au premier plan, représentés en blanc et contrastant autant avec la forme noire qu’avec le fond bleu nuit.
Ce couple est formé par un civil en chapeau-melon et imperméable et un soldat reconnaissable à son calot militaire, son trench-coat et ses bottes.
Le ton de l’affiche est autoritaire, avec son injonction au silence justifiée par l’omniprésence induite des oreilles espionnes.
Ce sont des éléments que l’on retrouve dans nombres de représentations de l’époque, on observe quasiment la même forme en arrière-plan sur le dessin de Jean Lorac « Silence l’ennemi écoute, méfiance l’ennemi ment » ainsi que le duo civil-militaire sur celui de Jean Laleure « Sachez vous taire, on sait vous écouter » ou encore « L’ennemi a des oreilles… partout » de A. Marvie et l’utilisation de l’ombre dans le dos qui guette, écoute, épie est l’une des plus répandues comme on peut le voir également sur les propositions graphiques de François Blanc ou R.Beltz ici.
On constate cependant la maîtrise de la composition chez Paul Colin, les destinataires du message sont placés au centre et l’ennemi en arrière fond, le sobre choix des couleurs met en valeurs une forme de fragilité de ces premiers tout en créant une atmosphère interlope, entre chiens et loups propices aux « confidences » que l’artiste met symétrie avec le « silence » pour assurer un message à la fois clair et entêtant.
Les contours anguleux des personnages ainsi que du lettrage servent le propos et l’impact de l’ensemble avec efficacité et nous rappellent l’influence art-déco de l’affichiste.
Celui-ci naît en 1892 et grandit dans ce centre de l’Art Nouveau qu’est Nancy à l’époque.
S’il commence à faire ses armes d’artiste-affichiste au début de l’entre-deux guerres, c’est en 1925 qu’il sera pleinement révélé par son affiche pour la Revue Nègre (dont Sidney Bechet faisait partie) et son travail subséquent autour de Joséphine Baker qui en est la star montante et avec qui il aura une relation amoureuse pendant quelques temps.
Il y démontre tout son talent à saisir le mouvement des corps et des expressions condensés dans une certaine forme d’épure.
Il le résume ainsi lui-même : « l’affiche doit être un télégramme adressé à l’esprit ».
L’orée de la seconde guerre mondiale l’amène à se positionner politiquement, notamment en montrant son soutien au camp républicain espagnol en produisant une affiche en 1939 où il compare le Paris menacé par Hitler au Madrid conquis par Franco.
C’est également dans ce cadre qu’il signe cette affiche fin 1939-début 1940 du « Silence, l’ennemi… guette vos confidences ».
Il refusera d’ailleurs de travailler pour l’occupant allemand ainsi que pour l’état collaborationniste français et reprendra son travail le 14 août 1944, date à laquelle Paris n’est pas encore libérée, avec sa Marianne aux stigmates destinée à être reproduite en grande quantité afin d’être affichée sur les murs des villes de France.
Ainsi l’affiche que nous vous proposons aujourd’hui est marquante sur plusieurs tableaux, l’historique évidemment, en tant que témoignage flagrant du climat de la fin de la période liminaire de la « drôle de guerre », synthèse graphique des inquiétudes d’une époque et de son gouvernement mais aussi, artistique, en tant que production d’un des plus grands affichistes français du siècle dernier à propos duquel Jean-Paul Crespelle, journaliste et historien d’art important de l’après-guerre, a pu dire : « Plus qu’aucun autre, il aura été le témoin de son temps, au point que, lorsqu’on songe aux grands animateurs de cette époque, son nom vient sous la plume avec ceux de Pablo Picasso, Jean Cocteau, Coco Chanel, André Breton, Paul Morand, Louis Jouvet, Jean Giraudoux, Christian Bérard. ».
La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette est un, si ce n’est le, classique parmi les classiques, tant de fois étudié, disséqué, analysé : proto-modèle du roman psychologique moderne, chef d’œuvre de la préciosité , roman historique héritier de la thématique de l’amour idéal impossible, dans la lignée de Tristan et Iseut, et à la fois, très contemporain du jansénisme ambiant de son époque… Cet ouvrage publié anonymement en 1678 et s’ouvrant par cette fameuse phrase: « La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri II », nous narre les amours de la cour d’Henri Second mais surtout celui entre l’héroïne éponyme et le duc de Nemours.
Il aura définitivement marqué l’histoire littéraire française ; encore fréquemment étudié dans l’enseignement secondaire, il se retrouve également au concours de grandes écoles, en 2022 à l’ENS d’Ulm et de Lyon par exemple.
Cependant cette aura de prestige, quasi-mythique, peut également nuire à la réception de l’œuvre et un petit quelque chose en plus ou un décalage peuvent être nécessaires pour revisiter le texte.
C’est ce que parvient à faire cette belle édition de 1947 éditée chez Robert Laffont et illustrée par 10 eaux-fortes de Marie Laurencin qui grâce à son impression en grand format sur vélin pur fil, nous permet de redécouvrir le bel ouvrage de l’autrice par le travail de l’illustratrice.
On peut voir dans cette rencontre entre les deux femmes à travers les âges un petit cadeau du destin, bien qu’assez différentes en apparences elles partagent peut-être plus qu’on ne pourrait le penser.
Toutes deux femmes artistes ayant fréquenté les milieux mondains et précurseurs de leur époque, elles semblent partager une certaine image du Beau, empreinte d’idéal et de langueur mélancolique. Cela est frappant sur plusieurs des illustrations de cette édition où les personnages, exclusivement féminins, paraissent à la fois magnifiés dans un aspect de pureté essentialiste de la forme et en même temps un peu prisonniers de celle-là, de cette idée qu’on se fait et qu’elles se font d’elle-mêmes. La pose, le regard, le crayonné du crayon de couleurs se confrontant à la ligne épurée des contours semblent nous parler d’un rapport ambiguë à la représentation de l’image féminine et à l’émotion sous-jacente qui ne parvient pas à s’exprimer autrement que par un rougissement des joues.
Et n’est-ce pas également une lecture possible du récit, Mademoiselle de Chartres, future Princesse de Clèves, n’est-elle pas elle même confrontée aux regards incessants de tous et toutes ? Scrutée, observée, c’est par ce regard, réel et de l’esprit, qu’elle se verra vivre sa passion pour le duc de Nemours qu’elle ne pourra jamais réellement acter, cloisonnée par sa loyauté et son honneur.
Il y a quelque chose d’assez beau dans cette rencontre aussi en ce que la vie de l’illustratrice semble être une forme de continuation complémentaire, presque en forme de réponse à l’intrigue du texte et de la vie de Mme de La Fayette.
Car si l’autrice due en son temps publié anonymement, Marie Laurencin elle, aura vécu sa vie de femme artiste pleinement. Côtoyant d’autres grands noms de son époque, compagne d’Apollinaire pendant 6 ans, amie de Max Jacob, Picasso ou encore Georges Braque à différentes périodes, elle aura aussi eu plusieurs amants, elle divorça également à l’entre-deux-guerres et eu une relation libre avec Nicole Groult (mère de Benoîte et Flora), une grande styliste française, qui bien que discrète n’était pas cachée.
La Muse inspirant le poète par le Douanier Rousseau en 1909, représentant le couple Laurencin-Apollinaire.
Son art quand à lui, souvent qualifiée de « nymphisme » aura eu plus de mal à faire l’unanimité en son temps, parfois moqué pour son aspect « mièvre » par des contemporains tel qu’Arthur Cravan, il peut cependant être aujourd’hui considéré comme un dépassement du cubisme et du fauvisme et sut trouver son public, au Japon notamment.
Ainsi si La Princesse de Clèves a bénéficié d’autres éditions illustrées, notamment par Edme Bovinet, Sergueï Solomko, Etienne Drian, André Édouard Marty ou encore plus récemment par le célèbre couturier Christian Lacroix en 2018 chez Gallimard ; rares sont celles qui atteignent ce degré de connivence entre les deux artistes et ce niveau de rapport méta-textuel.
Alors quoi de mieux que ce précieux livre pour pleinement apprécier et (re)découvrir ce chef-d’œuvre de la préciosité ?
« Votre petit Baudelaire me ravit. C’est une merveille de présentation”, André Gide à Jacques Schiffrin dans une lettre du 23 novembre 1931.
Nous avons récemment eu la chance d’obtenir un lot conséquent d’ouvrages de la Bibliothèque de la Pléiade (environ 300 volumes) ainsi qu’une collection complète des Albums en excellentes conditions. Pour découvrir cette collection et acquérir des volumes c’est ICI.
À cette occasion, plongeons-nous un peu dans l’histoire de cet objet fétiche des éditions Gallimard.
Ce que l’on appelle aujourd’hui couramment « la collection de la Pléiade » c’est presque un millier d’ouvrages (982 ouvrages au 3 Mars 2022 en incluant les albums et l’encyclopédie) et plus de 250 auteurs (hors ouvrages collectifs) publiés sur une période d’un peu plus de 90 ans.
Elle naît de la volonté de Jacques Schiffrin (1892-1950, éditeur et traducteur originaire d’Azerbidjan alors situé dans l’Empire russe) de proposer des œuvres complètes d’auteurs classiques dans un format à la fois pratique et confortable. En effet l’éditeur avait choisi d’adopter un format poche compact (105×170 mm) avec un papier bible opacifié couleur chamois ainsi qu’une couverture en cuir pleine peau souple et dorée à l’or fin, qui permettait, avec son caractère Garamond 9, une bonne lisibilité tout en conservant un nombre impressionnant de pages par ouvrage. Cette charte précise et rigoureuse, pensée pour mêler l’élégance à l’exhaustivité, demeure inchangée depuis sa création.
Il en est de même pour son code couleur, celle-ci dépendant de l’époque à laquelle a vécu son auteur (ou pendant laquelle elle a été produite) : vert antique pour l’antiquité, violet pour le Moyen Âge, corinthe pour le XVIe, rouge vénitien pour le XVIIe, bleu pour le XVIIIe, vert émeraude pour le XIXe et havane pour la littérature du XXe siècle comme on peut le voir ci-dessous (on peut noter quelques exceptions : gris pour les textes de référence des principales religions monothéistes et rouge Churchill pour les anthologies ainsi que des choix ponctuels souvent rectifiés par la suite, comme le noir de la première édition de Saint-Simon).
Les couleurs de la Pléiade : chacune réfère à une période.
C’est donc en 1923 que Jacques Schiffrin créé les Éditions de la Pléiade et c’est en 1931 qu’il entame cette collection singulière au sein de ses éditions et dont nous parlons aujourd’hui avec un premier tome des œuvres de Baudelaire.
L’origine du nom de la maison d’édition, et par conséquent de la bibliothèque, n’est pas clairement défini, par manque d’archives écrites de cette époque. Nous devons ainsi nous contenter de la tradition orale de la maison Gallimard et des proches de Schiffrin.
Si l’on pense évidemment à la constellation et aux poètes français du XVIe siècle, l’appellation aurait une origine plus proche des racines de l’auteur. Et c’est là où les versions divergent, une première voudrait qu’elle soit la transcription du mot russe «pleiada » signifiant «empaqueter», une façon pour Schiffrin de préciser son concept: «Publier le maximum de l’œuvre d’un auteur dans le minimum de volume». Cependant le mot russe pleiada viendrait lui-même du grec et signifierait en russe la même chose qu’en français, c’est-à-dire une référence à la constellation ou au groupe de poètes.
Néanmoins, selon des propos de Simon Schiffrin, son frère directeur de production dans le cinéma et recueillis par Pierre Assouline, « pleiada » en russe voudrait dire « esprit de groupe », et il l’aurait appelé ainsi parce qu’ils étaient « une petite bande de juifs russes exilés à Paris ».
Et d’après André Schiffrin, un de ses fils qui fut lui aussi éditeur aux États-Unis : « Contrairement à ce que l’on croit souvent, ce nom de Pléiade ne venait ni de la mythologie grecque ni de la Renaissance française, mais d’un groupe de classiques russes ». En effet, au départ, faute d’auteurs à sa disposition, Jacques Schiffrin lança une collection de classiques russes – Pouchkine, Gogol, Dostoïevski… – qu’il traduisit lui-même.
Cette diversité de versions semble dessiner une histoire commune empreinte d’un flou mémoriel qui participe à la légende de la collection.
Si dès 1931 la collection fait du bruit (elle devra être rachetée par Gallimard en 1933, Schiffrin ne parvenant pas à subvenir à la forte demande des lecteurs), c’est après-guerre qu’elle s’instaurera comme l’édition de référence qu’elle est aujourd’hui.
À partir des années 50 l’appareil critique se développe et s’amplifie, on peut notamment penser à la création de l’« Encyclopédie de la Pléiade » dirigé par Raymond Queneau en 56 et, dans cette continuité, à la création des « Albums », à proprement parler, en 1962, dédié chaque année à un auteur différent (mais aussi parfois à une période spécifique : Les écrivains de la Révolution française en 1989, ou à un focus de la collection : Le livre des mille et une nuits en 2005) et dirigé par un expert reconnu en la matière.
Ces albums, vendus à prix coûtant aux libraires et offerts par ceux-ci aux clients après l’achat de trois pléiades, sont devenus une ressource précieuse et pour les savants et pour les collectionneurs. Tirés en une seule fois à environ 40 000 exemplaires chacun, ils ne peuvent être mis en vente ni réimprimés. Ce qui les rend accessibles à l’achat uniquement sur le marché de la librairie ancienne et d’occasion.
De par le temps et leur succès certains albums sont réputés comme plus rares, à l’exemple de ceux sur Proust (1965), Céline (1977) ou encore Balzac (1962).
C’est donc une véritable aubaine de pouvoir vous proposer à la fois une collection quasi-complète de 61 albums ( à laquelle il ne manque que le livret-disque de 1961 et le dernier album consacré à Kafka) ainsi qu’une soixantaine d’autres albums dépareillés pouvant venir compléter des collections déjà entamées.
Une telle collection ne peut pas exister pendant aussi longtemps sans créer son lot de critiques et d’adulateurs et cela est aussi vrai pour les auteurs qui en font aujourd’hui parties. Par exemple, Céline a vivement insisté pour être publié dans la Pléiade de son vivant, notamment en écrivant une célèbre lettre à Gaston Gallimard en 1956 : « Les vieillards, vous le savez, ont leurs manies. Les miennes sont d’être publié dans la Pléiade (Collection Schiffrin) et édité dans votre collection de poche… Je n’aurai de cesse, vingt fois que je vous le demande. Ne me réfutez pas que votre Conseil, etc. etc… tout alibis, comparses, employés de votre ministère… C’est vous la Décision. »
Tandis que d’autres ayant décliné d’en faire partie de leur vivant s’y sont finalement retrouvés après leur mort comme Henri Michaux qui y entrera en 1998.
Quoi qu’il en soit la Bibliothèque de la Pléiade a su évoluer avec le temps tout en gardant une identité singulière et reconnaissable entre mille, l’instaurant comme un objet incontournable du paysage littéraire français, autant pour les collectionneurs que pour les curieux et ceux-ci pourront se faire allègrement plaisir avec ce stock en excellent état que nous venons de rentrer.
Nous avons récemment eu la chance de pouvoir ajouter aux livres déjà présents dans nos rayonnages un superbe lot de Poètes d’aujourd’hui en très bel état. Cette collection de monographies, principalement dédiée aux poètes du XXème siècle, a été fondée en 1944 par Pierre Seghers, poète, directeur de revue, éditeur et résistant. Le but du fondateur des Editions Seghers était de faciliter l’accès à la poésie au plus grand nombre. Chaque numéro se décompose en deux parties : une étude consacrée au poète, puis une sélection de textes ; chaque réédition tient compte de l’évolution de l’œuvre de l’auteur concerné. Du premier numéro consacré à Paul Eluard, la série s’achève en 1994 avec le numéro 270 thématisé autour de l’œuvre de Jude Stefan. On peut également mentionner le numéro 93, consacré à Léo Ferré, qui marque l’entrée de la chanson au sein de la collection des Poètes d’aujourd’hui. Les numéros dont nous venons de faire l’acquisition présentent un très bel état général ; vous pourrez ainsi y retrouver les numéros consacrés à Allen Ginsberg, Michel Butor, Luis Cernuda, Charles Péguy, pour n’en citer que quelques-uns… Vous pouvez voir les volumes actuellement disponibles en cliquant ici !
A l’approche d’Halloween, il y a d’emblée certains sujets d’ouvrages qui viennent immédiatement à l’esprit : les meurtres, les fantômes, les vampires, la mort… Autant d’idées de lecture qui contribuent à l’instauration d’une certaine ambiance qui accompagne merveilleusement bien la période hésitante et grisonnante de la fin d’octobre pour les frimas de novembre. Mais comme vous le savez, à Abraxas, nous aimons bien l’histoire. Et il est tout à fait possible de vous parler aujourd’hui d’une période de l’histoire de la Chine sans venir dépareiller la nuit du 31 octobre de ses traditionnels frissons et ribambelles de monstres et autres tueurs en série qui sortent des placards la nuit venue.
L’ouvrage que nous vous présentons aujourd’hui est exceptionnel d’un point de vue bibliophilique mais aussi historique. Il s’agit d’un album photographique anonyme, non daté et non paginé. De format oblong, les plats sont en bois laqué. Le premier plat peint est orné d’un dragon en ivoire et en nacre, de belle réalisation mais malheureusement abîmé, et d’une signature peinte, peut-être celle de l’artiste. Les prises de vue montrent des images de la Chine lors des dernières années de l’Empire, vraisemblablement réalisées vers 1909/1910, et probablement par un soldat ou un missionnaire Français : les légendes manuscrites des photographies sont écrites en français. Celles-ci montrent autant de paysages que de portraits : s’y côtoient autant la cour impériale et les visages d’acteurs que des images du Palais d’Eté ou de la Grande Muraille. Essentiellement en noir et blanc, certains détails ont été colorés lors du développement. Les portraits d’actrices pékinoises ou des habitantes des différentes régions de l’Empire de Chine, portant leurs habits traditionnels, précèdent ceux des missionnaires des légations européennes. Les sept dernières pages montrent des photographies dont le sujet est moins propice au tourisme ; en effet, l’auteur anonyme a été témoin de deux scènes d’exécution lors de son séjour en Chine qu’il a immortalisées avec sa pellicule : celle d’anarchistes mandchous le 23 février 1910 et de Boxers à Pékin en septembre 1909.
Le terme de Boxer, mentionné par l’auteur à l’attention de son lecteur, tel un avertissement pour le prévenir du caractère hautement sensible des pages suivantes, ce terme fait allusion à un événement bien précis de l’histoire de Chine. L’auteur indique avoir pris les photographies de l’exécution de ces inconnus à Pékin en 1909 ; l’utilisation de ce terme semble anachronique, car ce qui est nommé la Révolte des Boxers en Occident s’est déroulé près d’une dizaine d’années auparavant.
Cet événement historique s’est déroulé sur deux ans, entre 1899 et 1901, et s’ancre dans une période charnière pour la Chine. L’humiliation du pays sur la scène internationale, alors gouverné par la dynastie mandchoue Qing, s’explique par plusieurs facteurs : la défaite face au Royaume-Uni lors des guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860), puis face au Japon lors de la première guerre sino-japonaise en 1894-1895 pour le contrôle de la Corée, un conflit qui amoindrit considérablement la mainmise chinoise en Asie de l’Est face à un Japon considéré jusqu’alors comme une puissance mineure.
Ces différentes défaites entraînent une crise économique importante, exacerbant les tensions qui déchirent la société chinoise et le développement d’une pensée conservatrice, nourrie par la perte de prestige du pouvoir impérial. En effet, au XIXème siècle, les puissances occidentales colonisatrices (l’Angleterre, la France, la Russie, les Etats-Unis…), à la suite des défaites successives, imposent une série de « traités inégaux » aux pays de la région. Ces accords contraignent la Chine à ouvrir son marché à l’influence étrangère : cession d’enclaves pour la création de comptoirs coloniaux, activisme des missionnaires chrétiens, développement du commerce de l’opium…
Cette position de soumission fait prendre conscience aux élites chinoises du retard de développement du pays face aux puissances coloniales, notamment en qui concerne l’armée. La nécessité d’une politique de modernisation émerge et entraîne des divisions au sein des cercles intellectuels face à l’aristocratie conservatrice qui réagit de conserve : entre une mouvance anarchiste qui rejette le pouvoir impérial de la dynastie Qing, installée depuis 1644, et un courant libéral prônant l’association avec la monarchie pour lancer le programme de modernisation. L’empereur Guangxu (光緒帝) lance la Réforme des Cent jours, qui prévoit notamment le passage à une monarchie constitutionnelle, la modernisation de l’examen impérial pour devenir fonctionnaire, un nouveau système éducatif basé sur les sciences et non plus le confucianisme et l’industrialisation de la Chine. Cependant, cette réforme provoque des réactions hostiles de la part de l’aristocratie ultra-conservatrice qui se range derrière l’impératrice douairière Cixi (慈禧) et mène au coup d’Etat de 1898.
Portrait de l’empereur
C’est dans ce contexte politique troublé qu’apparaît la société secrète « Les Poings de la justice et de la concorde » (Yìhéquán 義和拳), dont les membres sont appelés Boxers par la presse occidentale en raison de la pratique du kung-fu par ses membres, la « boxe chinoise ». Créé au début des années 1890, le mouvement des Boxers est essentiellement issu des classes populaires et rurales de la société chinoise : ouvriers, artisans, bateliers… Dans un premier temps réfractaire à la dynastie impériale, les actions xénophobes du mouvement démontrent une hostilité radicale contre la présence occidentale dans le pays, les missionnaires chrétiens et les passe-droits qu’ils s’octroyaient en raison de la suprématie coloniale : destruction de voies ferrées et de lignes télégraphiques, mises à sac des églises, assassinats de religieux et de convertis… Ce sont les meurtres de deux missionnaires allemands, dans la province du Shandong en 1897, qui sont à l’origine d’un mouvement de masse qui comptera de cinquante à cent mille membres à son apogée. Les Boxers s’accrochent avec les troupes chinoises et divisent la cour impériale.
Portrait de l’impératrice douairière Cixi
Mais en 1900, un édit de l’impératrice Cixi, au pouvoir depuis le coup d’Etat, reconnaît les sociétés secrètes. A partir du mois de mai de cette même année, les Boxers patrouillent en milices à Pékin. Le groupe des révoltés est désormais soutenu par le pouvoir impérial qui joue sur la frustration et la xénophobie ambiantes pour redorer son prestige, un soutien qui modifie le slogan officiel des Boxers en « Soutenons les Qing, détruisons les étrangers ». Les tensions s’accroissent dans la capitale : environ 450 soldats occidentaux y pénètrent pour protéger les délégations étrangères. Plusieurs événements émaillent la chronologie des semaines suivantes et vont mettre le feu aux poudres : assassinat du ministre japonais Sugiyama Akira le 10 juin, attaque conjointe des légations européennes par les troupes impériales chinoises et les Boxers le 17 juin, assassinat du baron allemand von Ketteler le 20 juin. C’est à partir de cette date que le siège des légations, ou les 55 jours du siège de Pékin, commence.
L’information concernant ce qui se passe entre les murs de Pékin étant restreinte, la situation donne lieu à de multiples légendes : c’est ainsi qu’à Londres, croyant que tous les assiégés avaient été massacrés, on projette de faire célébrer un service à leur mémoire à la cathédrale Saint-Paul. Un corps expéditionnaire (environ 2000 hommes), sous le commandement du vice-amiral britannique Lord Seymour, se fait refouler par une forte opposition et résiste à Tien-Tsin sans urgence, un rapport ayant déclaré que la colonie britannique avait été massacrée. Le démenti arrivé, les troupes de l’alliance des 8 nations (Japon, Allemagne, Autriche–Hongrie, Etats-Unis, France, Italie, Royaume-Uni, Russie) se mettent en marche le 4 ou 5 août, une armée de 20 000 hommes sous le commandement du général britannique Sir Alfred Gaselee, qui prend le contrôle de Pékin le 14 août et libère ainsi les légations européennes.
Des deux côtés, ce conflit historique se caractérise par une violence inouïe. 300 missionnaires et près de 30 000 Chinois convertis au christianisme trouvent la mort ; les corps sont mutilés, empalés, décapités et les têtes disposées en pyramides, souillent les eaux potables, se décomposent dans les fossés. Les représailles par les Occidentaux sont terribles : des milliers de Chinois accusés d’être Boxers exécutés, pillage des palais… Les soldats se font photographier sur le trône impérial. L’empereur allemand Guillaume II ordonne une politique de répression extrêmement violente dans la Chine rurale, dans le but de tuer dans l’œuf toute autre révolte. Défaites, les troupes impériales chinoises sont contraintes de participer au démantèlement du mouvement des Boxers. Le conflit prend fin avec le traité de Xinchou le 7 septembre 1901.
L’Empire de Chine sort du conflit humilié et placé sous tutelle étrangère : les postes passent sous contrôle français, les douanes sous contrôle britannique. L’impératrice Cixi, qui avait fui la capitale pour se réfugier, doit accepter plusieurs réformes : abandon du confucianisme par le système éducatif pour l’étude des mathématiques, de la science et de la géographie, suppression de l’examen impérial pour l’entrée dans la fonction publique, mise en place des Assemblées provinciales en 1909…Les puissances occidentales profitent du conflit pour affermir plus encore leur présence en Chine, qui semble bel et bien devenir un énième territoire colonial. Les légations européennes obligent le pouvoir impérial à d’importantes concessions commerciales et un droit de stationnement pour les militaires. La Russie étend son influence sur la région de la Mandchourie, qui mènera à la guerre contre le Japon (1904-1905).
C’est ainsi que l’on peut supposer que l’auteur des photographies de cet album (qui constitue un témoignage précieux des dernières années de l’Empire de Chine !) était un soldat français stationné à Pékin. Les scènes d’exécution qu’il a enregistrées avec son appareil (qu’il décrit comme celles de Boxers et d’anarchistes mandchous) peuvent être celles de personnes gagnées par les idées révolutionnaires qui éclateront deux ans plus tard. Ces différentes prises de vue, réalisées en 1909 et 1910, illustrent une période charnière pour le Chine. Tous ces facteurs politiques et sociaux contribuent à ouvrir la voie à la révolution communiste qui prendra effet dix ans plus tard, avec le soulèvement de Wuchang en 1911 qui entraînera la chute de la dynastie Qing et la proclamation de la République de Chine.
L’orgueil, l’envie, la colère, la paresse, la luxure, la gourmandise et l’avarice, tels sont les grands maux de l’humanité théorisés par la Bible et enfermés, à l’instar d’une véritable boîte de Pandore, dans une dénomination qui a traversé les siècles : les sept péchés capitaux. Dans la religion catholique, ces vices, définis comme capitaux car susceptibles d’entraîner d’autres péchés, s’opposent aux sept vertus : les trois théologales (la foi, l’espérance et la charité) et les quatre cardinales (la justice, la prudence, la force et la tempérance). La « lie » des comportements humains a, bien entendu, été une grande source d’inspiration pour les artistes. Aujourd’hui, la librairie Abraxas vous propose de succomber à la tentation en découvrant les compositions d’André Lambert consacrées au sujet.
Né en Suisse, André Lambert (1884-1967) est un illustrateur majeur de l’entre-deux-guerres. Peintre, aquarelliste, graveur, il fait ses études à Munich où il suit l’enseignement du baron Hugo van Habermann avant de s’inscrire aux Beaux-Arts de Paris. Il est également connu pour ses vastes connaissances dans les cultures latine et grecque, une érudition qu’il met au service de ses créations artistiques ; ces dernières témoignent d’un style marqué par le classicisme antique et le mouvement Art Nouveau. Il consacre une partie de sa carrière à l’illustration ; son travail sur le Salammbô de Flaubert au début des années 1920, et plus particulièrement sur les sept péchés capitaux, constituent ses œuvres les plus fameuses.
Salammbô illustré par André Lambert, gravure
Imaginées par Lambert, les représentations des sept vices sont également peintes et gravées par l’artiste, et éditées chez Le Prince en 1918. Une page de titre, le discours préliminaire et un justificatif de tirage accompagnent les gravures en couleurs. Cette édition a été imprimée en 175 exemplaires ; celui que nous vous présentons porte le numéro 26 et a été imprimé sur Japon. Chaque épreuve est signée et porte le numéro de l’exemplaire (à l’exception de la planche de l’Avarice qui porte le numéro 27).
Chaque scène s’imagine comme une représentation imagée de chacun des péchés capitaux, où la figure féminine devient centrale, évoluant dans des décors élégants et dont le détail contribue à la création d’une atmosphère inhérente à chaque planche. Cette ambiance propice à la description de chaque vice est alimentée par les tonalités riches ou froides des couleurs. Les représentations traduisent également la grande culture d’André Lambert : les poses alanguies de la Paresse et de la Luxure dénotent l’influence des peintures orientalisantes d’un Delacroix ; la scène énamourée entre Arlequin et Colombine, devant un Pierrot éconduit, illustrant la Colère n’est pas sans rappeler les peintures galantes de Watteau.
Antoine Watteau, La partie carrée, vers 1713
Conception catholique, les sept péchés capitaux sont discutés depuis les premiers siècles de notre ère par les intellectuels ecclésiastiques, notamment les vices-mêmes qui constituent cette liste. Le pape Grégoire le Grand, au VIème siècle, par exemple, supprime la vaine gloire (ramenée à l’orgueil) et l’acédie* (identifiée avec la tristesse) mais rajoute l’envie. Ce répertoire est définitivement fixé lors du concile de Latran en 1215 et théorisé par Thomas d’Aquin ; celui-ci fait d’ailleurs la distinction entre les péchés et les vices, ces derniers étant définis comme des tendances à commettre certains péchés.
Les péchés capitaux ont très vite été source d’inspiration, sous forme allégorique, pour les auteurs et les artistes depuis l’époque chrétienne. La littérature médiévale reprend ces archétypes dans des œuvres comme le Livre de la Cité des Dames de Christine de Pizan, ou dansLa Divine Comédie où Dante décrit, dans la première partie consacrée à l’Enfer, le sort réservé aux damnés qui se sont rendus coupables des différents péchés. Les péchés capitaux sont aussi une source thématique florissante pour les artistes peintres ; à ce titre nous pouvons citer les fresques de Giotto pour la chapelle Scrovegni à Padoue ou bien encore la représentation de Jérôme Bosch aujourd’hui conservée au Musée du Prado à Madrid.
jJérôme Bosch, Les péchés capitaux (détail), vers 1450
Dans son texte de présentation, Lambert exprime sa volonté de présenter les sept Péchés Capitaux sous un jour nouveau « en tentant de marier le charme du passé à l’esprit éclectique et peut-être un peu frivolement désenchanté de notre siècle. » Au contraire d’une conception moraliste condamnant le pécheur aux tourments de l’Enfer pour avoir refusé de faire sienne les sept vertus, le privant ainsi de son droit au paradis, l’artiste considère « qu’il faut savoir distinguer les Plaisirs du Vice, excuser nos faiblesses tout en condamnant le Désordre et ne pas confondre des Appétits simples, légers et naturels avec de méchantes et perverses inclinations ». En ce sens, il s’inscrit dans la lignée de Thomas d’Aquin qui, au XIIIème siècle, en associant la pensée aristotélicienne à la scolastique catholique, reconnaît que la connaissance est d’abord sensible : le corps est un outil de connaissance, et pas uniquement un vecteur du péché originel que le croyant doit racheter en se conformant strictement, sa vie durant, aux dogmes de l’Eglise.
Ainsi, pour les théologiens médiévaux, l’orgueil est le commencement de tout péché ; pour Thomas d’Aquin, celui-ci peut être « correctement régulé par la raison » et « se traduit par une attitude vertueuse (…) : la magnanimité ». La gourmandise est considérée comme le premier péché de l’homme par les commentateurs bibliques : Eve et la pomme, Esaü et le plat de lentilles, Noé et le vin… La pensée thomiste considère plutôt que seules les conséquences du péché peuvent être condamnées : en effet, céder à la gourmandise entraînerait la paresse, le désordre, voire la luxure.
La modération serait ainsi le juste milieu pour éviter le passage d’un vice tendant vers le bien vers le péché. André Lambert considère que « ces Sept Grands Péchés ne sont-ils somme toute pour les disciples d’Epicure, du divin Pétrone ou de St Evremond que nos vertus et nos plus chères délices poussées à cet extrême où l’économie, qualité maîtresse des pères de famille, devient avarice ; où le plaisir délicat du palais dégénère en gourmandise. » Et parmi les scènes allégoriques mais pleines de sens des gravures de l’artiste, c’est la figure de Pierrot, « lunaire et désemparé » parmi la réalisation du péché, qui devient l’image d’un homme « emporté presque malgré lui vers l’erreur » dont l’erreur tiendrait plus de l’ignorance que de la méchanceté consciente.
22 Avr 2024
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Abraxas vous invite aujourd’hui à explorer le regain d’intérêt qui s’opère autour de l’apiculture et de la figure de l’abeille à partir de la seconde moitié du XIXè siècle en France (et ailleurs), à travers 4 ouvrages : Le rucher de J. Auguste Marcellin, paru en 1866 à compte d’auteur ; Culture raisonnée facile et économique des mouches à miel par De Lasalle en 1880, à compte d’auteur également ; La première ruche (vendu) d’Eugène Jobard en 1889, à l’imprimerie du Bien Public à Dijon et les deux premiers numéros de la revue Le Rucher : Organe illustré de la société d’apiculture de la région du Nord de 1890 (portant sur l’exposition universelle de 1889 et vendu également). On y retrouve les abeilles bien sûr, figures à la fois symboliques et pratiques de la nature mais aussi les hommes dans les rapports qu’ils entretiennent avec elles.
Si les produits de leur labeur, le miel et la cire, sont utilisés depuis fort longtemps (on en trouve la mention dès l’Égypte antique), la connaissance de leur apport primordial dans nos écosystèmes en tant que pollinisateur particulièrement efficace, est plus récente. Il faut remonter aux travaux de naturalistes et botanistes allemands (Kölreuter et Sprengel) de la fin du XVIIIe siècle pour trouver des études scientifiques sur ce phénomène qui seront par la suite reprises par Darwin dans la deuxième partie du XIXe siècle.
C’est à cette époque que vont également se développer de nouvelles techniques d’apiculture et ce particulièrement chez les anglo-saxons, comme cela nous est indiqué dans le n°1 et 2 de Le Rucher : Organe illustré de la société d’apiculture de la région du Nord de 1890, on y trouve également des allusions chez De Lasalle. Plusieurs apiculteurs français, professionnels ou passionnés, en prennent exemple pour critiquer les traditions françaises sévissant jusqu’à cette époque comme « l’étouffement » qu’ils n’hésitent pas à qualifier de « barbares » (termes que l’on retrouve chez Marcellin notamment), mais également pour en tirer des parallèles allégoriques s’inscrivant dans une tradition remontant à l’antiquité, chez Aristote et Virgile par exemple.
Intéressons nous d’abord aux ouvrages plus théoriques de cette sélection.
En premier lieu : Le Rucher, Organe illustré de la Société d’Apiculture de la Région du Nord, n°1 et 2 : Rapport sur l’apiculture à l’exposition universelle de 1889, Présenté à la Société d’Apiculture de la Région du Nord de la France par M. Gustave Rifflart, Employé à la Mairie d’Amiens et Membre de la Société (vendu). Cette petite reliure de 71 pages fait état des différents exposants présents à la section d’apiculture de l’Exposition universelle de 1889 ayant eu lieu à Paris.
On y trouve entre autres, dans la partie française, la présence de « Deyrolle, Émile, naturaliste, 46, rue du Bac, Paris » (entrée n°16, p.10) dont l’auteur admire la qualité des équipements et objets d’études, parmi lesquels se trouve une maquette d’abeille d’1m20 de long ; ainsi que la création d’un certain M Robert (entrée n°48, p.25 ) qui a étagé ses rayons de manière à représenter une tour Eiffel, monument iconique de cette exposition. Il est d’ailleurs amusant de noter que le rapporteur loue plus la qualité du miel présent dans ces rayons que la ressemblance avec la tour elle-même.
M. Rifflart profite de cette occasion pour partager des considérations générales sur l’état de l’apiculture en France, y déplorant une prédominance de la méthode dite « fixiste » (où les abeilles sont libres de fixer elles-même leurs rayons) à défaut de celle dite « mobiliste » (où l’on utilise des cadres en bois prévus à cet effet) plus en vogue aux États-Unis et au Royaume-Uni. Indice représentatif d’un changement qui arrive trop lentement et d’un retard technique des producteurs français selon lui. Les États-Unis occupent d’ailleurs une place importante dans l’ouvrage, 20 pages et 9 gravures pour 22 exposants et si la Grande Bretagne ne compte qu’un exposant, 6 pages lui sont consacrées avec 12 gravures soit plus d’un tiers de la totalité (29 pour les ruches et objets associés plus 2 d’exploitations, une grecque et une britannique).
Publié dix ans plus tôt, la Culture raisonnée facile et économique des Mouches à Miel par M. de Lasalle (sans date, 1880 d’après la BNF) est d’un autre genre.
Défini en tant que « Traité pratique » par l’auteur dans sa préface, destiné d’abord aux : « curés, instituteurs, employés des canaux et des chemins de fer, cultivateurs, ouvriers, journaliers etc. » qui « pourraient aisément, sans rien négliger de leurs travaux habituels, augmenter sensiblement leurs ressources en y adjoignant le revenu d’un petit rucher » ; il s’adresse également « à l’universalité des lecteurs ».
De Lasalle y résume ainsi son ouvrage : « il y a renfermé [parlant de lui] toutes les connaissances théoriques nécessaires pour la culture raisonnée des mouches à miel, l’explication de toutes les méthodes économiques, même les plus nouvelles, qui ont été sanctionnées par l’expérience, et la description exacte de toutes les opérations pratiques que l’apiculteur peut être conduit à exécuter : sous ce triple rapport, l’ouvrage est au courant des plus récentes notions certaines qui soient acquises sur les abeilles. »
L’auteur se révèle fidèle aux promesses de sa préface. Au fil de ces 312 entrées réparties sur 9 chapitres, est présenté de manière succincte et didactique tout ce que l’apiculteur de l’époque (mais qui est en grande partie valable également pour celui d’aujourd’hui) doit savoir : exploration d’une ruche occupée par des abeilles, description de sa composition, de ses rythmes, conditions et pratiques de l’essaimage « naturel » et « artificiel », moyens de récolte, préparation de ses produits, détail mois par mois des travaux apicoles à effectuer, descriptions et prescriptions des maladies et dangers menaçants la ruche ainsi qu’un point sur la législation en vigueur alors.
On se retrouve ainsi avec une précieuse synthèse de savoirs relatifs à l’apiculture, à la fois historiques et pratiques.
Si les 2 ouvrages précédents sont remarquables pour les témoignages factuels et techniques qu’ils proposent, les 2 prochains possèdent un élément plus surprenant mais particulièrement intéressant : le recours à la narration comme ressort didactique.
En effet, l’Utilité des abeilles, La Première Ruche (vendu) d’Eugène Jobard, publié par l’imprimerie du Bien Public à Dijon en 1889, se présente comme la continuation d’une « petite brochure » nommée Utilité des abeilles, d’abord imprimée et distribuée par les soins de l’auteur. Celle-ci narrait le retour de ce dernier dans son village d’origine, « vivement frappé par la stérilité des arbres fruitiers » et comment il y remédia par la réhabilitation du rucher de la maison paternelle. Il semblerait que celle-ci ait rencontré un grand succès par sa recension dans un article du Petit Journal ce qui, toujours selon les dires d’Eugène Jobard, aurait créé un engouement telle qu’il fut amené à en écrire un ouvrage plus complet. Constatant qu’il n’aurait pu que « rédiger un traité qui n’eût été qu’une simple compilation » il résume ainsi sa démarche : « J’ai réfléchi longuement, et le mieux me parut être de raconter tout simplement ce que j’ai vu, ce que j’ai fait. Et je dirai avec La Fontaine : Mon voyage dépeint / Vous sera d’un plaisir extrême. / Je dirai : J’étais là ; telle chose m’avint. / Vous y croirez être vous-même. »
C’est donc cette édition remaniée et augmentée que nous avons le plaisir de vous présenter aujourd’hui. Si l’ouvrage semble reprendre la trame brossée dans Utilité des abeilles, il la développe et l’amende sur 192 pages. L’auteur y dresse le portrait d’une campagne en mutation, marqué par l’exode rural et une transformation des méthodes agricoles qui en s’intensifiant, s’éloignent d’un rapport sensible à la terre qu’elles exploitent. La grande thèse du livre est de démontrer l’utilité, insoupçonnée et oubliée, des abeilles pour l’ensemble des cultures et de la flore en général. À travers de nombreux exemples et mises en scènes – en bon pédagogue du XIXè siècle dispensant ses leçons avec hauteur et bienveillance – il va argumenter dans ce sens, répondant aux peurs des villageois (piqûres, masse de travail supplémentaire etc.) tout en leur explicitant les gains, assurés et faciles, autant pécuniaires qu’environnementaux, qu’une multiplication des ruchers engendrerait.
Tout cela développé au sein d’un récit cadre riche en situations et personnages pittoresques, de la bonne et sa fille dévouées espérant un bon parti sans oser le chercher, au curé docte et habile médiateur en passant par les cours sous forme de veillées dispensés par le bon notable de retour en son pays d’enfance ; La Première Ruche d’Eugène Jobard s’avère être un objet littéraire et technique des plus agréables et curieux.
Fait amusant, un article tiré d’un journal du même nom que l’imprimerie nous apprend que l’auteur aurait été un imprimeur féru d’apiculture (Eugène Jobard donc de l’imprimerie du Bien Public à Dijon) dont l’immeuble, qu’il aurait fait construire à la même époque que la publication de son livre, arbore une sculpture d’abeille sur son frontispice.
Le dernier texte de notre sélection se présente à la fois comme la synthèse et le prototype des ouvrages précédents. Écrit à la fois théorique, pratique et narratif, il semble tenir à embrasser l’ensemble du domaine apicole en utilisant les formes qui lui semblent les plus appropriées sans pour autant chercher à donner un cadre unificateur à sa production.
Il est néanmoins intéressant de constater qu’il fut écrit et publié avant les ouvrages étudiés précédemment et peut ainsi poser la question de sa postérité et de son influence.
Si le traité pratique de Marcellin sort peu après (1866) la version française de L’origine des espèces de Darwin (1862), l’apiculteur et auteur choisit plutôt de se placer sous le patronage d’Alphonse Karr (auteur romantique et satirique français, ayant notamment écrit Sous les tilleuls et créé la revue satirique Les Guêpes, mais ayant également exercé la floriculture à Nice) à qui il dédie son opuscule et dont la lettre de réponse (affirmative) suit cette dédicace dans l’ouvrage.
Cette affiliation nous renseigne potentiellement sur les intentions profondes de l’auteur. Bien que s’inscrivant de fait (par sa volonté de description détaillée et comparative des techniques d’élevages mais aussi du comportement des abeilles) dans la veine des scientifiques et éleveurs naturalistes de son temps, l’apiculteur passionné d’Aix-en-provence tient aussi à utiliser ses connaissances pour dresser des analogies d’ordre plus morale et philosophique à l’instar du travail de Karr, dans son Voyage autour de mon jardin par exemple.
Le Rucher, se découpe en deux parties : une première plutôt orientée pratiques et techniques, avec comme éléments notables une description des avantages et inconvénients de trois modèles de ruches qu’il juge intéressants, suivi d’un de son invention et des lois du code civil régissant la propriété des dites ruches (on y retrouve également une bonne partie des éléments développés dans des traités ultérieurs comme celui de De Lasalle présenté précédemment) ; une deuxième consistant en un récit présenté comme étant tiré d’un évènement réel et ultérieur à la rédaction de la première partie, où l’auteur relate un échange qui a lieu entre celui-ci, un comte de sa région et son jardinier « Jean ».
Penchons-nous un moment sur cette seconde partie. Le comte y est désigné en tant que « le comte » alors que les deux autres protagonistes bénéficient de leur patronyme respectif. La discussion relève presque de l’échange socratique, Marcellin expose et amène le comte ainsi que son jardinier à considérer différemment les abeilles en développant ses théories et découvertes en matière d’apiculture à travers une série de questions-réponses, habilement menée, pour les faire entendre à Jean de manière organique.
Par conséquent l’ensemble se trouve être assez didactique, avec le « professeur-apiculteur » Marcellin qui allie connaissance théorique et pratique de terrain, le jardinier Jean représentant le « commun », le « populaire » et le comte comme intercesseur, qui est facilement convaincu du bien-fondé des explications de l’auteur. La désignation plus impersonnelle du noble et sa position avantageuse dans l’échange peut nous donner l’impression que le destinataire moral, en quelque sorte, du récit serait l’ensemble des « Jean » mais que le destinataire pragmatique serait plutôt représenté par « le comte », étant celui détenant les capitaux et qui serait le plus à même de faire appel aux services de l’apiculteur.
J. Auguste Marcellin nous fournit ici un exemple singulier et étonnant de traité pratique. En effet si on y trouve bien les observations et préconisations habituelles (ou qui le deviendront), ainsi que des réflexions philosophiques basées sur une tradition allégorique, le tout se révèle aussi être un objet de publicité intriguant mais finalement peut-être assez caractéristique de son époque.
Ainsi nous avons pu observer à travers ces quatre textes des tendances communes : une attention particulière portée à l’apiculture comme un moyen simple et accessible pour « le peuple » de s’assurer un revenu subsidiaire, avec parfois une emphase placée sur le bénéfice environnemental ajouté, nous avertissant déjà sur l’importance primordiale des abeilles pour nos écosystèmes (chez Jobard particulièrement) ; mais également un aspect moral, édificateur, qui n’est cependant pas toujours analysé de la même manière : Jobard donne l’exemple d’une ruche retrouvée dans un conduit de cheminée inusité où l’on pouvait dénombrer plusieurs reines à la fois, signe pour lui d’une cohabitation possible et d’une forme de communauté d’entraide plutôt que de compétition et de hiérarchie, alors que Marcellin met plus en avant l’aspect industrieux et humble de l’insecte ailé que tout le monde devrait suivre. On constate également le développement de manuels et traités pratiques destinés au grand public ainsi que la propension scientifique, qui prend racine à cette époque, à rationaliser ces pratiques.
Alors si les techniques agricoles et le monde rural, ainsi que les avancées scientifiques de la seconde moité du XIXè siècle vous intéressent, n’hésitez pas à venir jeter un coup d’œil aux ouvrages mentionnés précédemment et à notre section apiculture en général.