7 Juil 2016
Edition originale de L’écume des jours, de Boris Vian (1947)
Les amoureux de Boris Vian seront ravis de découvrir aujourd’hui une rarissime édition originale de son roman phare, « L’écume des jours« . Vous reprendrez bien un verre au pianococktail ?
Une fausse 7ème édition
Au 4e plat de la couverture d’origine, il est indiqué qu’il s’agit de la 7e édition de l’œuvre. En réalité, il s’agit bien de l’édition originale, en atteste l’achevé d’imprimer, daté du 20 mars 1947. Une stratégie des éditeurs de l’époque dont Gallimard usait pour stimuler les ventes en faisant croire à de nombreux tirages dus au succès ! Le livre broché possède toujours sa couverture originale et une jolie reliure en vélin blanc a été ajoutée à l’ensemble afin de mieux le protéger. Vous pouvez voir que le titre et le nom de l’auteur ont été finement peints à son dos.
L’écume des jours, une naissance difficile pour Vian
Pour rappel, Boris Vian est né en 1920 dans les Hauts-de-Seine. Bien qu’ingénieur de formation, il s’essaie à de nombreux genres d’art. Cela va de l’écriture de romans et de poésie, à la pratique de la musique (trompette, chansons, jazz) en passant par le cinéma et même la peinture. De constitution fragile, Vian ne se ménage pas pour autant jamais : il travaille ardemment à de nombreux projets et croque la vie à pleines dents. A seulement 39 ans, il décède d’un arrêt cardiaque pendant la projection de l’adaptatation au cinéma de son roman sulfureux « J’irai cracher sur vos tombes« .
En février 1946, Boris Vian décide d’écrire en secret son premier roman. Malgré le fait qu’il travaille toujours en tant qu’ingénieur, « L’écume des jours » est terminé en 4 mois et prêt à concourrir au prix de la Pléïade, avec lequel l’auteur espère se faire connaître du grand public. Il pense en effet remporter la 1ère place, car plusieurs membres du jury le soutiennent, notamment Jean-Paul Sartre, Jacques Lemarchand, Raymond Queneau et Jean Paulhan. Cependant, ce dernier change d’avis et incite les autres membres du jury (parmi lesquels figurent Paul Eluard, Albert Camus, André Malraux) à décerner le prix à Jean Grosjean, à des fins politiques. A cette époque, l’éditeur Gallimard est soupçonnée de collaboration. L’auteur est déçu, à juste titre : « L’écume des jours », vendu à seulement quelques centaines d’exemplaires est un échec commercial. La rancoeur de Boris Vian se fera sentir jusque dans ses futures oeuvres et notamment dans « L’automne à Pékin » où l’on retrouve « Ursus de Jeanpolent » et « l’abbé Petitjean ». Aujourd’hui, « L’écume des jours » est considéré comme un classique de la littérature française et se retrouve régulièrement dans le programme scolaire !
Noël Arnaud a dit de lui : « L’oeuvre immense laissée de son vivant, et celle qu’il nous laisse, montrent qu’il écrivait vite, et regorgeait d’idées ; on doit ajouter qu’il travaillait dix-huit heures par jour, qu’il dormait peu et que ses vingt ans d’activité comptent double. Il a vécu plus vite et plus longtemps qu’aucun d’entre nous« .
12 Juil 2016
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« Sapho » et « L’Aiglon », nos deux étonnantes et précieuses reliures Jotau
Cette semaine, nous souhaitons vous faire découvrir deux ouvrages à la reliure des plus particulière ! Il s’agit de « Sapho » d’Alphonse Daudet (1929) et de « L’Aiglon » d’Emond de Rostand (1928). Et si vous voulez en savoir plus sur les reliures Jotau, c’est par ici !
Sapho de Daudet, relié par Jotau
Des reliures aussi belles que fragiles
Au toucher, le livre est lourd, mais aussi lisse et satiné. Plusieurs théories existent concernant la matière utilisée pour la fabrication de ces reliures. Pour certains, il s’agirait de pollopas (un matériau proche de la galalithe) et pour d’autres, d’un type de bakélite. Dans tous les cas, il s’agit d’un polymère thermodurcissable, de la matière plastique en somme, qui vers 1930 commence tout juste à être utilisée dans l’industrie et dans l’art-déco. Le dos et les plats de la reliure sont articulés grâce à des charnières de type « piano », permettant d’ouvrir le livre complètement et rendant la manipulation des plus agréables. Malheureusement, il s’avère que la fragilité relative et le coût de ce type de reliure ont mis fin au procédé de fabrication. A manipuler avec précaution donc, car les coins et charnières ont tendance à casser sous les chocs ! Nos deux exemplaires ne présentent cependant ni manque ni fêlure!
Sapho de Daudet, relié par Jotau
On remarque que les titres sont gravés dans du métal poli (en étain, plus précisément) et que dans le cas du « Sapho » d’Alphonse Daudet, la pièce de titre est encadrée par deux frises décoratives de style Art Déco. Il faut également préciser que les plaques correspondent bien au titre et à l’auteur des ouvrages (ce qui n’était pas toujours le cas avec les reliures Jotau) !
Une fois le livre ouvert, un autre atout de charme apparaît : les gardes, mises en valeur par les larges marges de pollopas noires. Faites de papier peint avec des motifs d’écaille, leurs couleurs vives et chamarrées sont remarquablement belles !
Le procédé Jotau et l’industrialisation du livre
Intéressons-nous maintenant à la fabrication de ces intéressantes reliures ! En 1908, Joseph Taupin (Jo-Tau) rachète une petite maison de cartonnage et de brochage de livres située à Paris. C’est lors d’un séjour aux États-Unis qu’il découvre les nouvelles méthodes de production à l’américaine mettant en avant la rationalisation des tâches et la gestion d’entreprise. Séduit, Taupin décide d’utiliser ces nouveaux procédés à son retour en France. Il devient ainsi le premier relieur d’envergure industrielle. En 1923 et par l’intermédiaire de la maison Hachette, l’entreprise de Joseph Taupin s’associe à l’Imprimerie Paul Brodart. En 1957, leur production journalière s’élève à 175 000 livres ! Cette entreprise historique a définitivement fermé ses portes en 2010.
Reliure Jotau, breveté S.G.D.G.
Cette reliure Jotau est un intéressant essai, cherchant à mêler innovation industrielle et esthétisme. En effet, cette reliure industrielle est un produit typique des recherches techno-artistiques Art Déco des années 1920. Joseph Taupin aurait même breveté son procédé de fabrication, ce qui paraît peu probable. On peut qualifier le travail de Taupin sur cette reliure « d’avant-gardiste » étant donné l’esthétique très recherchée pour l’époque, comparable à des créations plus contemporaines.
Les confrères de Joseph Taupin disaient de lui : « Taupin est à la reliure ce que Citroën est à l’automobile ».