25 Juin 2019
0 CommentsJean Ray, le maître des spectres
A la fin de son étude phare sur la littérature fantastique (« Anatomie de l’horreur », actualisée en 2018), Stephen King, le maitre incontesté de l’épouvante moderne, classe un recueil de nouvelles de Jean Ray parmi ses premières recommandations de lecture. Alors que d’autres auteurs au talent incontestable sont impitoyablement écartés par le King (Dean Koontz et Graham Masterton, pour ne pas les nommer !), Jean Ray et son œuvre sont au contraire portés au pinacle par ses soins – ce qui a le mérite d’attirer l’attention sur cet auteur par trop méconnu à l’heure actuelle.
Notre catalogue Jean Ray et John Flanders
Car, contrairement à Lovecraft, avec qui il partage – étrangement – de très nombreuses similitudes (étant tous deux nés à la même époque), Jean Ray pâtit injustement d’un oubli absolu auprès des nouvelles générations de lecteurs – la faute à une carence de rééditions modernes (jusqu’il y a peu).
Par la puissance évocatrice de ses récits hantés, Jean Ray a donc entièrement conquis le cœur de Stephen King : on sent nettement l’influence obsédante du terrifiant « Livre des Fantômes » dans « Shining » par exemple, ou bien du fantasmagorique « Malpertuis » dans certaines nouvelles de « Brume ». Maître ès épouvante, Jean Ray excelle ainsi dans l’art de tisser des toiles d’angoisses fuligineuses pour y emprisonner le lecteur conquis et émerveillé. En quelques lignes, l’on est comme happé par son style d’une remarquable splendeur poétique ; une ambiance oppressante, un décor gothique, une situation perturbatrice, et le ton est immédiatement donné, pour aller crescendo dans une féerie d’épouvante baroque :
« Sans rien nous dire, sans rien voir ni entendre, nous savions que tous les deux nous avions peur, affreusement peur. […] Nous gardâmes le silence ; pour ma part, j’étais incapable d’exprimer une pensée : quelque chose d’inconnu, mais d’abominable me figeait le cerveau. […] ‘‘Toute la maison a peur !’’ Eh bien ! c’était cela, je n’aurais pu mieux l’exprimer : toutes les choses inertes, sans vie ni âme, qui nous entouraient, toutes, depuis les simples meubles jusqu’aux briques de la vieille demeure, se recroquevillaient d’épouvante. La grande horloge à balancier se tut, le feu cessa de ronfler, la lumière même de la grosse ampoule électrique sembla se transformer, perdant son pouvoir de rayonnement, les ombres des objets furent soudainement noires comme des profondeurs de gouffre. Et, tout à coup, l’énorme vague de feu sombre fut sur nous. » (Le Livre des Fantômes [nouvelle ‘‘Maison à vendre’’)
En plus d’avoir influencé Stephen King, soulignons aussi que tout un pan du cinéma fantastique est irrigué par l’œuvre de Jean Ray, du cultissime « Carnival of Souls » (film de chevet de David Lynch et Tim Burton) jusqu’aux fulgurances chromatiques de « Suspiria » et d’ « Inferno » de Dario Argento. Relevons aussi l’attrait de Jean Ray (qui fut marin) pour les récits d’horreur se déroulant en bord de mer, distillant une pesante atmosphère à la fragrance de sel putride, et l’ombre verte du grand Cthulhu n’est pas loin !
La Librairie Abraxas-Libris propose actuellement à la vente un panel varié d’œuvres de Jean Ray, dignes de satisfaire les amateurs les plus exigeants : notamment des exemplaires des mythiques Éditions Néo, superbement illustrés par Nicollet, qui permettent de savourer le talent de Jean Ray avec un agrément optimal (à noter également que plusieurs de ses livres furent publiés sous le pseudonyme très « british » de John Flanders).
17 Juil 2019
0 CommentsLectures d’été
L’été et les vacances sont arrivés ! Afin de vous accompagner pendant cette période où l’on a (enfin) le temps de lire, les équipes d’Abraxas-Libris, Neiges d’Antan et les Mains dans les Poches ont sélectionné pour vous quelques livres coups de cœur. Que vous soyez en manque d’inspiration ou curieux de voguer vers d’autres horizons, voici nos conseils lecture pour l’été.
Bruno a choisi:
« Le Livre des Fantômes » de Jean Ray
Pour moi cela sera « Le livre des Fantômes » de Jean Ray, parce que je lis régulièrement le blog d’Abraxas-Libris et que le dernier article m’a donné envie de retrouver l’ambiance de Shinning.
Je cite :
« Une affaire personnelle » de Kenzaburô Ôé
J’ai découvert Kenzaburô Ôé avec le livre : « Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants » pour lequel vous trouverez une petite chronique ici.
Oé est de ces auteurs qui vous prennent aux tripes au propre comme au figuré, tous ses livres sont charnels, violents et forts en émotion. Le soleil de l’été donnera encore plus d’ampleur à cette lecture.
Au passage je vous conseil tous ses livres, notamment les nouvelles : « Le Faste des morts » et « Seventeen » !!!
Bonne lecture.
Le choix de Patricia:
Les nouvelles d’Agota Kristof (« C’est égal », chez Points), aussi tristes et cruelles que la trilogie des jumeaux (« Le Grand Cahier », « La Preuve » et « Le Troisième Mensonge »), mais qu’on peut poser au bout de deux pages (courtes nouvelles) pour pleurer ou respirer un grand coup …
Bonus Polar : La trilogie Écossaise de Peter May, sans doute les trois plus beaux romans de Peter May même si j’aime tout y compris les polars chinois. « L’Île des Chasseurs d’Oiseaux », « L’Homme de Lewis » et « Le Braconnier du Lac Perdu » (Éditions du Rouergue / Babel Noir).
Pas de lien web pour ces livres qui sont à retrouver en boutique (grand format ou poche!). A savoir que les Peter May partent très vite.
La sélection de Bernard:
« La Vie Mode d’Emploi » de Georges Perec
C’est probablement l’un des cent chefs-d’œuvre de la littérature française, et pourtant comme il est difficile de rentrer dans cette liste !
C’est une œuvre totale, un monument qui se lit avec une jubilation quasi-continuelle. Chaque page fourmille de trouvailles, d’humour, d’une humanité souvent bouleversante. « La Vie Mode d’Emploi » a fait maintenant l’objet de dizaines de milliers d’analyses et thèses dans le monde entier.
« Un Cabinet d’Amateur » de Georges Perec
Ce qui intéressant c’est qu’il fait suite à « La Vie Mode d’Emploi », sur lequel Perec a travaillé pendant presque 10 ans. Ce récit – très court, est construit autour d’un jeu de miroirs au sein d’un tableau qui reflète indéfiniment la même scène. A sa manière, G. Perec nous présente le petit monde des collectionneurs, des experts et des ventes d’arts. Vous trouverez ici une interview éclairante de l’auteur qui « en explique les ressorts d’écriture et la composition sous forme de mise en abîme ».
Pour Aude, ce sera:
Ursula K. Le Guin, et en particulier deux romans du « Cycle de l’Ekumen », pour repenser le monde, les sociétés capitalistes, les rapports humains, le sexisme et les genre à travers le miroir déformant de la science-fiction.
« Les Dépossédées » d’Ursula K. Le Guin
Je cite:
La fiction a reçu le prix Nebula du meilleur roman en 1974, le prix Hugo du meilleur roman en 1975 et le prix Locus du meilleur roman en 1975.
« La Main Gauche de la Nuit » d’Ursula K. Le Guin
Je cite:
La fiction a reçu le prix Nebula du meilleur roman en 1974, le prix Hugo du meilleur roman en 1975 et le prix Locus du meilleur roman en 1975.
Benjamin vous conseille:
« Les Puits de l’Enfer » de Graham Masterton
Idéal pour cauchemarder sur la plage en été, le livre traite d’une entité ancienne et maléfique liée à l’eau, avec de nombreuses scènes percutantes qui rendraient hydrophobes les plus courageux des baigneurs.
« Rêves et Cauchemars » de Stephen King
Recueil de nouvelles fantastiques très agréables à lire, qui distillent angoisse et suspense de manière inattendue : se promener dans une ville avenante et animée et tomber sur une « Rue Cthulhu » qui ne figure sur aucun plan peut, en effet, semer quelque trouble chez les touristes…
Audrey vous recommande:
« La Joueuse de Go » de Shan Sa
Un roman saisissant au style poétique situé à la veille de l’invasion de la Chine par le Japon. La partie de go cristallise la guerre entre les deux pays, la rencontre entre nne jeune mandchoue et un officier japonais. L’auteure, dont le premier recueil de poésie a été publié à 10 ans, a reçu le Goncourt des Lycéens pour ce roman (2001). Retrouvez ma chronique complète ici, et le livre à la pochothèque !
Retrouvez également ces auteurs dans nos trois librairies, ouvertes 7/7 tout l’été (y compris les jours fériés). De 10h à 19h avec une coupure de 12h / 12h30 à 14h.
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