23 Juin 2018
« Les muselières pour femmes et autres supplices, orné de curieuses illustrations de l’époque »
A l’heure des #metoo et des combats pour l’égalité homme-femme, nous vous proposons aujourd’hui un ouvrage décrivant les mœurs d’un autre temps. Un « charmant » livre intitulé « Les muselières pour femmes et autres supplices » écrit par le sociologue Jean Finot au début du XXe siècle ; avec au programme un « ravissant » assortiment d’accessoires pour museler les femmes, accompagné de quelques exemples de tortures punitives. La lutte est toujours d’actualité et cet incroyable catalogue historique nous rappelle -malgré tout- le chemin heureusement parcouru!
Un ouvrage féministe rare écrit par un humaniste éclairé
Contrairement à ce que peut laisser penser le titre, l’auteur ne promeut pas l’utilisation de ces accessoires (de véritables tortures). Au contraire, Jean Finot réalise un travail d’historien et de sociologue critique en étudiant ces pratiques. L’auteur, issu d’une famille juive polonaise, est né à Varsovie à la fin du XIXe siècle. Il est surtout connu pour sa prise de position contre les théories racistes avec son ouvrage majeur « Le préjugé des races » (1905). A l’époque, rares sont les intellectuels qui émettent une opinion différente des théories « scientifiques » racistes ambiantes. Par ailleurs, Jean Finot s’engage dans la lutte et la prévention contre l’alcoolisme (« L’Alarme« ).
Outre son combat contre le racisme et l’alcoolisme, l’auteur cherche aussi à mettre les femmes sur un même pied d’égalité sociale que les hommes, on peut citer :
« La création monosexuelle fait ainsi faillite de nos jours dans la sphère morale et politique, de même qu’elle l’avait déjà fait dans un passé ténébreux, dans le domaine physiologique. »
« Le concours de l’homme et de la femme, indispensable pour la formation des êtres humains, est non moins nécessaire lorsqu’il s’agit d’engendrer une organisation sociale, paisible et stable. »
« Dans tous les pays du globe les revendications des femmes ont abouti ou sont en train de triompher. Et la souveraine de nos destinées de demain prendra sans doute quelque plaisir à constater le chemin qu’elle a parcouru depuis deux ou trois siècles! »
A travers l’ouvrage que nous vous présentons, l’auteur cherche à expliquer pourquoi les femmes sont méprisées depuis l’Antiquité et le Moyen-Âge. Il a écrit un autre ouvrage consacré au sujet du féminisme (même s’il n’en porte pas le nom) : « Préjugé et problèmes des sexes » (1912). Constatant que les mœurs ont évolué rapidement et dans le bon sens, il est convaincu que l’égalité homme-femme sera bientôt établie. Ces propos choisis font pourtant encore écho un siècle plus tard !
Petit musée des horreurs
« Très indulgent pour ses propres défauts, l’homme supportait et supporte difficilement ceux de la femme. Il lui a donc reproché de tout temps d’être bavarde, méchante et potinière. Et il a imaginé un remède devant non seulement la préserver de son pêché capital, mais encore l’empêcher d’une façon absolue de se livrer à un vice dont l’homme se réservait visiblement le monopole. »
Les muselières dont il est question dans cet ouvrage auraient été créées et principalement utilisées en Écosse et en Angleterre à partir des XVIe et XVIIe siècles. De nombreux modèles existent, en fonction de la sévérité de la punition allant d’une sensation désagréable à douloureuse voire insoutenable. Punition qui peut être infligée par le mari bien sûr, mais aussi par ordonnance d’un magistrat et appliquée par le geôlier local. Des modèles simples aux plus sophistiqués, le but est le même: empêcher la femme de parler, l’humilier voire la faire souffrir. Certains des ces dispositifs sont équipés d’une « languette » de métal écrasant la langue afin d’empêcher la parole. Parfois la languette est aiguisée, d’autres fois remplacée par des pointes, etc. pouvant causer des blessures importantes aux « mégères ». Certains modèles sont assortis d’une chaîne afin que le mari puisse exhiber et humilier sa femme plus facilement, ou l’attacher quelque part (place du Marché par exemple). D’autres sont garnis d’une clochette pour prévenir de sa présence, puisqu’elle ne peut émettre d’autres sons. Certaines muselières se contentent de couvrir la bouche et disposent même de trous pour boire, manger ou baver quand elle ne pouvait déglutir.
D’autres supplices plus « classiques » sont aussi décrits, je vous laisse le plaisir de les découvrir par vous-même. A noter que l’usage de ces muselières était aussi courant pour punir et contrôler les esclaves, qui cherchaient notamment à se suicider en ingérant toute substance provoquant la mort. Notons que l’utilisation des muselières en Grande-Bretagne perdura jusqu’en 1824.
Ce livre, d’une grande rareté est une curiosité du XXe siècle que nous vous invitons à découvrir aussi bien en boutique que sur notre site de vente en ligne.
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11 Août 2018
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La « Jazz-o-thèque » d’Abraxas-Libris
En tant que courant musical né parmi les Afro-Américains du Sud des États-Unis, le Jazz est l’un des plus fascinants mouvements artistiques du XXème siècle, à la fois support d’expression d’un peuple opprimé et vecteur d’une légitime contestation sociale.
Nourri d’influences africaines mélancoliques, issues d’un peuple traumatisé par l’horreur de l’esclavage et l’arrachage inhumain de la terre de leurs ancêtres, le Jazz, creuset de la culture noire, prit véritablement son essor au cours de la décennie 1910-1920, par le biais du fameux Dixieland de la Nouvelle-Orléans, ville-matrice où se concentraient diverses cultures symbiotiques (créole, cajun, africaine, espagnole et française). De cet exceptionnel camaïeu de gens et de civilisations diverses, le mouvement Jazz éclot ainsi qu’une émouvante fleur façonnée par la souffrance et la volonté de vivre. Coupés de leurs origines, vivant dans un État de non-droit où ils enduraient quotidiennement les plus révoltantes discriminations, les Afro-Américains utilisèrent, semble-t-il, la musique Jazz pour transcender leur malheur collectif et donner un sens à leur existence oppressée. Le célèbre chanteur Bob Marley a un jour écrit : « La chose superbe à propos de la musique, c’est que lorsqu’elle vous touche, vous ne ressentez plus la douleur. » On ne saurait mieux dire. Une scène issue d’un film populaire, « La Couleur Pourpre » (inoubliable film de Spielberg, avec la non moins inoubliable Whoopi Goldberg), illustre à merveille le sens de ce propos. Lors de la scène du cabaret, où l’exubérante et charismatique chanteuse Shug Avery (sublimement campée par Margaret Avery) interprète plusieurs morceaux de Jazz, l’on peut voir clairement que le public présent (uniquement composé d’Afro-Américains) échange pour un soir la tristesse de son quotidien contre un peu de rêve, d’émotion et de tendresse méritée – notamment avec le personnage de Celie jouée par Whoopi Goldberg.
La chanson-phare du mouvement Jazz, son morceau « culte » pourrait-on dire, qui l’incarne dans son essence la plus intime, est sans contestation possible « Strange Fruit » de Billie Holiday, parue en 1939 (et reprise de manière convaincante par le groupe anglais Siouxsie and the Banshees en 1987, dans leur album « Through the Looking Glass »). Bouleversante au possible, la chanson évoque ce « fruit étrange » (strange fruit en anglais) qu’était le cadavre d’un Noir laissé, plusieurs jours durant, pendu à un arbre public (scène hélas très fréquente aux États-Unis jusque dans les années 1960, suite aux odieux lynchages perpétrés par le Ku Klux Klan, de sinistre mémoire, avec la complicité passive des autorités locales). Rappel éternel de cette époque violente, l’on peut encore trouver, dans certaines brocantes des États-Unis, d’horrifiantes « cartes postales » d’époque, glaçantes à souhait, montrant des foules pimpantes de Blancs en complet-veston, souriant de toutes leurs dents en posant devant le corps d’un être humain noir pendu au bout d’une corde. Plus que tout autre morceau de Jazz, la chanson déchirante de Billie Holiday exprime cette volonté farouche du peuple Afro-Américain de transcender la tragédie collective de son histoire, et surtout ne pas permettre qu’elle soit oubliée.
Fidèle à sa volonté de promouvoir toutes les cultures du monde, la Librairie Abraxas-Libris propose, dans l’espace musique de sa pochothèque, une large variété d’albums des plus grands artistes de Jazz. Billie Holiday, mais aussi Ben Webster, Kenny Dorham, Miles Davis et bien d’autres vous attendent sous format CD, afin de vous faire découvrir l’immensité de leurs talents musicaux.