28 Juin 2016
0 CommentsPoison City, de Tsutsui Tetsuya
Cela faisait longtemps que je n’avais pas plongé dans du manga, surtout dans du manga de cette qualité.
Poison City, de TSUTSUI Tetsuya, entrecroise génialement l’histoire d’un mangaka et de son oeuvre. À l’approche des Jeux Olympiques de Tokyo de 2020, et suite à un fait divers, un Comité d’Éthique et de Censure est créé au Japon, pour surveiller (et punir) les oeuvres dites subversives (voire conduire des actions contre leur mangaka).
Un jeune dessinateur, Hinibo Mikio, vient de signer, chez un grand éditeur, sa future série d’horreur… Dans ce contexte de pression insidieuse, comment va-t-il pouvoir créer ?
Se basant sur l’histoire du fameux Comics Code Authority, qui, aux États-Unis, fut la déclinaison au niveau des comics du MacCarthysme, mais se basant également sur sa propre expérience personnelle (un de ses mangas, Manhole, fut classé comme une « oeuvre nocive pour les mineurs » avec « incitation considérable à la violence et à la cruauté chez les jeunes » dans la région de Nagazaki), Tsutsui Testuya fait bien plus que ça, et explore la question par le petit côté de la lorgnette. Alors que son manga aurait pu être une charge bête et méchante, ou ne vouloir servir que sa lutte personnelle, cette oeuvre (en seulement 2 volumes) montre les errements des créateurs, leur tendance à envisager l’auto-censure, à essayer de trouver de mini-parades ridicules, plutôt que d’essayer simplement de faire leur oeuvre la meilleure possible.
Cela m’a énormément fait penser, également, à la charge contre les Jeux de rôles dans les années 90 (aussi bien aux États Unis qu’en France…), ou encore aux dérives télévisuelles que l’on voit fleurir dès qu’un(e) adolescent(e) commet un crime en relation explicite à une oeuvre… Faut-il parler du film « Scream » ? Faut-il parler de « The Catcher in the Rye » et de l’assassinat de John Lennon ?
Bref, ce Poison City est un manga éclairant et vraiment intelligent. Interrogatif, plutôt que bêtement affirmatif. Bref, loin du monde blanc ou noir de la censure et de certains anti-censure…
30 Juin 2016
0 CommentsLe bouquin des méchancetés et autres traits d’esprit
Le trait d’esprit, la petite méchanceté assassine, sont comme ces petits bonbons qui piquent la langue mais presque agréablement… On peut dire d’elle ce que dit René Descartes du chatouillement (oui, il y a une théorie cartésienne du chatouillement ! C’est dans le Traité des Passions, article 94 !)
« La cause qui fait que pour l’ordinaire la joie suit du chatouillement est que tout ce qu’on nomme chatouillement ou sentiment agréable consiste en ce que les objets des sens excitent quelque mouvement dans les nerfs qui serait capable de leur nuire s’ils n’avaient pas assez de force pour lui résister (…). C’est presque la même raison qui fait qu’on prend naturellement plaisir à se sentir émouvoir à toutes sortes de passions, même à la tristesse et à la haine, lorsque ces passions ne sont causées que par les aventures étranges qu’on voit représenter sur un théâtre, ou par d’autres pareils sujets, qui, ne pouvant nous nuire en aucune façon, semblent chatouiller notre âme en la touchant. »
Bref, de même que le chatouillement montre au corps sa propre puissance, de même, les traits d’esprit touchent en nous cette pointe d’intelligence qui nous réveille et nous fait sourire, même à nos dépens…
Ce volume de 1153 pages en expose un nombre incroyable, avec délice… Quelques exemple ?
Un client entre dans un restaurant où l’on jouait au violon une valse de Chopin, et s’effondre en pleurs. On s’étonne : « Ah, vous êtes Polonais ? » et lui : « Non, je suis violoniste… »
Ou Benjamin Disraeli qui disait de Daniel O’Connell, activiste irlandais : « Il a commis tous les crimes, à l’exception de ceux qui requièrent du courage… »
Ou encore George Bernard Shaw, par rapport à la superstition disant que conclure un mariage le vendredi portait malheur et que les époux finissaient invariablement malheureux en ménage : « C’est évident, je ne vois pas pourquoi le vendredi ferait exception… »
Bref, des petites perles de méchancetés, à picorer pour vous aiguiser l’esprit…