31 Mai 2016
Contes et nouvelles en vers par Monsieur de La Fontaine, gravures par Romain de Hooge (1709)
Cette semaine, la librairie vous offre un retour aux sources. Une très charmante petite édition de contes de Jean de La Fontaine succinctement intitulé : « Contes et nouvelles en vers, par Monsieur de La Fontaine. Nouvelle édition corrigée, augmentée et enrichie de tailles-douces, dessinées par Mr. Romain de Hooge« .
L’ouvrage date du XVIIIe siècle et reproduit les 58 tailles-douces de l’édition de 1685, gravées par Romain de Hooge. La reliure est en plein veau glacé de couleur caramel. On compte au dos cinq nerfs, ainsi que des fleurons et filets dorés, sans oublier la pièce de titre. Les tranches sont également dorées. Des roulettes dorées encadrent chaque plat et contre-plat. Mis à part un dos et des mors légèrement craquelés, la reliure reste exceptionnellement belle.
Ces « Contes et nouvelles en vers » ont été publiés à « Amsterdam chez Pierre Brunel, sur le Dam, à la Bible d’or » en 1709, soit 14 ans après la mort de La Fontaine. Au début de l’ouvrage, on note la présence de deux ex-libris sur les gardes couleurs. Le premier, collé au contre-plat appartient au Comte de Camden et porte cette devise : Judicium Parium Aut Lex Terrae (i.e. The judgement of my peers or the law of the land). Le second est signé Fleming Crooks (1855-1901) et dit ceci : Nihil Sine Deo. Le livre est bien complet de son frontispice. Il comprend deux volumes en un, voici sa composition :
- 7 feuillets non-paginés, pour l’avertissement et la préface de l’auteur
- les 236 pages du 1er volume
- la page de titre de la 2e partie
- 6 pages de préface
- les 273 pages du 2nd volume
- 3 pages de tables
Chaque conte ou nouvelle est précédé d’une gravure et certains sont terminés par des vignettes.
Durant les siècles qui ont suivi la publication des œuvres de La Fontaine, de nombreux illustrateurs se sont employés à leur donner vie. Certains plus brillamment que d’autres et parmi eux, le graveur Schall, qui en 1791 fut le premier à proposer des gravures en couleurs non coloriées à la main. On compte également Jean-Baptiste Oudry, un peintre et graveur du XVIIIe, dont les dessins minutieux et enchanteurs ont été réédité chez Jean de Bonnot en 1969. Plus récemment, des artistes se sont distingués par leur interprétation originale et haute en couleurs des Fables. On se souvient notamment de Benjamin Rabier ou de Béatrice Mallet dont les dessins plein de charme et d’innocence ont marqué de nombreuses générations d’enfants !
L’illustrateur
Romain de Hooge/Romeyn de Hooghe (1645-1708) était un artiste néerlandais prolifique et touche-à-tout, produisant près de 3500 œuvres durant sa carrière ! Né à Amsterdam, il se tourne vers la gravure, le dessin, la peinture mais aussi la sculpture et la fabrication de médailles. De Hooge est reconnu pour ses caricatures (de Louis XIV notamment) et son style baroque. Deux participations majeures : l’illustration du « Hieroglyphica of Merkbeelden der oude volkeren » (1785 – Symboles des peuples anciens) et des « Contes et nouvelles en vers ».
L’auteur
On ne présente plus Jean de La Fontaine (1621 – 1695), qui est l’un des plus célèbres auteurs français. Quel écolier n’a pas récité « Le Corbeau et le Renard » ou « La Cigale et la Fourmi » ? Bien qu’il soit plus reconnu pour ses Fables, il a également écrit des contes licencieux et des poèmes, mais aussi des livrets d’opéra et des pièces de théâtre. La portée moraliste que l’on connaît principalement à travers ses fables, imprègne l’ensemble des son œuvre.
Pour finir, voici quelques vers de La Fontaine qui sont devenus des maximes. Saurez-vous retrouvez de quelle fable ou conte ils proviennent ?
- « Tel est pris qui croyait prendre »
- « La raison du plus fort est toujours la meilleure »
- « Aide-toi, le Ciel t’aidera »
- « Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux tu l’auras »
- « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »
- « Je plie et ne romps pas »
5 Juil 2017
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Le Cabinet des Fées de 1785, ou quarante volumes de contes sauvés de l’oubli
Cette semaine, Abraxas-Libris souhaite partager avec vous plus qu’une oeuvre littéraire, mais un pan entier de notre oralité : « Le Cabinet des Fées »*. Cette série monumentale compte pas moins de 41 volumes et compile des centaines de contes que nous ont légués nos aïeux. Un homme est à l’origine de ce travail extraordinaire de collecte: le chevalier Charles-Joseph de Mayer. Résultat, les récits d’auteurs désormais classiques comme Charles Perrault ou Jean-Jacques Rousseau côtoient les contes d’illustres anonymes. Il était une fois…
Un extraordinaire travail de compilation !
L’auteur de cette initiative se nomme Charles-Joseph de Mayer et est né à Toulon en 1751. Ce chevalier a plusieurs cordes à son arc, dont les métiers d’éditeur et de polygraphe (un rédacteur généraliste de l’époque). Il participe de ce fait à plusieurs projets : en travaillant au Mercure de France mais aussi à la Bibliothèque universelle des romans du marquis de Paulmy (1775). Ce dernier a déjà entamé un travail semblable de collecte de contes de fées. C’est qui ce incite de Mayer à continuer la quête de son côté et à faire paraître le fruit de son travail entre 1785 et 1789 ; il s’intitulera « Collection choisie des contes de fées ou autres contes merveilleux » plus simplement appelée « Le Cabinet des Fées ». La quête du chevalier consiste à recueillir les contes populaires parvenus jusqu’à son siècle et ainsi les sauver de l’oubli. Attention, le compilateur ne se contente pas de consigner tous les contes auxquels il a accès. Il suit une ligne éditoriale en excluant notamment les contes jugés licencieux. De Mayer donne en effet beaucoup d’importance à l’aspect « éducatif » des contes. Il s’exprime ainsi dans sa préface :
« La morale mise en action, & présentée sous les traits de la fiction, est certainement l’idée la plus heureuse pour faire couler sans force & sans gêne les sentimens de la vertu dans un jeune cœur.«
Par ailleurs, les contes étrangers (orientaux principalement) sont bien représentés car source d’inspiration pour beaucoup d’auteurs français et également très populaires. Il n’y a donc pas de frontières géographiques dans le recueil et il en va de même en ce qui concerne le genre du récit. En effet, ce dernier ne se limite pas au conte de fées, il englobe de façon générale le merveilleux mais comprend aussi les récits non-empreints d’éléments magiques.
Le Cabinet des Fées, tome 1/40 (1785)
Quand Charles Perrault côtoie l’anonymat de la mémoire collective
Aux XVII et XVIIIe siècle, de nombreux auteurs -connus et moins connus, ont déjà écrit voire repris des contes de fées. Voici une liste non-exhaustive de quelques écrivains (ou traducteurs) et contes présents dans « Le Cabinet des Fées ».
Enfin, pour agrémenter ces milliers de pages, notre compilateur a fait appel à M. Marillier, illustrateur de son état et au maître graveur Nicolas Delaunay. Chaque volume est donc accompagné de trois gravures -gravures dont vous pouvez voir un extrait dans le diaporama ci-dessous.
Le travail du Chevalier de Mayer fait écho à un projet cousin d’Outre-Rhin autrement plus célèbre: celui des frères Grimm qui débuteront leur entreprise vingt ans plus tard. Il s’agit là de la même quête : celle de collecter les contes populaires de leur langue natale afin de sauvegarder leur souvenir et leurs enseignements pour les générations futures.
*Il manque un tome à notre édition qui compte donc 40 volumes.