Érotiques – La Balance, 1967

Publié en 1967, à titre strictement confidentiel, cet album de photographies érotiques expose les réalisations du talentueux photographe Pierre Jousson. L’édition de 1967 n’est pas signée, mais celle-ci a été reproduite un an plus tard sous les auspices de Régine Deforges, avant d’être immédiatement frappée d’interdiction par le gouvernement conservateur de De Gaulle, ce qui n’a pas peu contribué à accentuer sa rareté.

Faisant montre d’une provocante audace, qui rejette absolument toute pudibonderie, Pierre Jousson propose ici une série de photographies libertines, où deux modèles anonymes (un homme et une femme) s’unissent en toute licence sous le regard complice de l’objectif. Ces instantanés surprenants dégagent un érotisme des plus singuliers, Pierre Jousson n’ayant pas son pareil pour magnifier sur pellicule la fusion sensuelle des chairs – des corps qui se trouvent et qui se troublent.

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Par ailleurs, le clair-obscur fuligineux du noir et blanc accentue de manière provocante les poses lascives des modèles, et instaure un saisissant contraste entre les peaux immaculées et l’arrière-plan ténébreux (les scènes sexuelles se déroulant dans un lieu entièrement plongé dans le noir, à l’exception des corps des modèles éclairés par une douce lumière tamisée).

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Les planches des photographies sont entrecoupées de feuillets contenant quelques épigrammes fort grivoises de Louise Labé et de Pierre de Ronsard, qui enveloppent d’une fragrance capiteuse le contenu de l’album – au demeurant très épicé  :

« Baise m’encor, rebaise-moi et baise ;

Donne m’en un de tes plus savoureux,

Donne m’en un de tes plus amoureux :

Je t’en rendrai quatre plus chauds que la braise. »

Tout l’album baigne ainsi dans une atmosphère d’ardente volupté, ce qui fait de cet ouvrage un véritable objet de collection, rare et précieux – et tout à fait unique en son genre. En 1967, les productions d’art érotique étaient produites dans la plus complète clandestinité, du fait d’une rigide censure gouvernementale – l’ouragan Emmanuelle, incarnée par la légendaire Sylvia Kristel, n’ayant pas encore ébouriffé le public français… Qu’on se souvienne aussi que, quelques années auparavant, l’éditeur Jean-Jacques Pauvert avait été poursuivi par le Ministère public pour avoir osé promouvoir Sade et éditer l’intégrale des œuvres du Divin Marquis… Il était visiblement périlleux d’aimer les plaisirs de la vie dans la France gaulliste d’après-guerre, et l’on ne peut que saluer la hardiesse artistique de Pierre Jousson, qui s’est inscrit en faux contre le rigorisme hypocrite de son temps.

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Dans cet album édité de manière confidentielle, le photographe Pierre Jousson propose uniquement des situations hétérosexuelles, tout autre schéma intime étant à l’époque impensable. Car, un an avant Mai-68, qui fit souffler sur l’Hexagone un formidable vent de liberté, la France végétait sous le règne étouffant de « Tante Yvonne » et de sa réfrigérante chape de plomb morale. La revue gay « Arcadie », dirigée par le très bourgeois André Baudry, et qui proposait des nus timides de couples masculins à ses abonnés, passa ainsi sous les fourches caudines de la justice française, pour avoir eu le courage de s’écarter des « normes » établies.

On peut dire la même chose de l’album Érotiques de Pierre Jousson, qui, par son originalité et son audace, reste le témoignage irremplaçable d’une époque que l’on voudrait croire à jamais révolue, nonobstant l’offensive actuelle des nouveaux puritains.

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(photo de la réédition de 1968, différente de celle vendue par Abraxas-Libris, qui propose l’édition  rarissime de 1967, éditée à une poignée d’exemplaires)