31 Mai 2023
Le mal Aymé, pourquoi ne lit-on plus Marcel ?
Dans le cadre de notre concours de lecture à voix haute nous vous proposons de revisiter des textes de Marcel Aymé et de les enregistrer pour avoir la chance de gagner un bon d’achat dans nos boutiques!
Ce concours se déroulera du 5 au 18 Juin au sein de la librairie Abraxas-Libris et proposera trois catégories: enfants, adolescents et adultes.
Nous en profitons pour revenir sur cet auteur populaire majeur du 20ème siècle, aujourd’hui un peu oublié et boudé par les lecteurs.
« Petit provincial cornichon, pas plus doué pour les lettres que ne l’étaient alors les dix mille garçons de mon âge, n’ayant seulement jamais été premier en composition française (…) je n’avais même pas ces fortes admirations qui auraient pu m’entraîner dans un sillage. »
Aymé, par Pol Vandromme, éd. Gallimard, 1960
Alors, pourquoi ne lit-on plus Marcel Aymé?
Il a pourtant utilisé le parler populaire et l’argot comme a pu le faire Céline, francisé des emprunts de l’anglais comme Queneau et Vian, a vu nombre de ses œuvres adaptées au cinéma en des films, pour certains, devenus cultes comme La traversée de Paris (comment oublier le : « Janvier, Jaaaanvier, Jaaaaaaanvier! » de Gabin), Uranus (réalisé par Claude Berri et au casting impressionnant: Depardieu, Blanc, Prévost, Marielle, Noiret, Galabru, Luchini…) ou encore La jument verte, qui aurait déclenché un scandale lors de sa sortie; ses Contes du chat perché ont été étudiés maintes fois par plus d’une génération d’écoliers et d’écolières, et bien que boudé par la critique il eut toujours un grand succès populaire, mais quoi alors ?
Est-ce à cause de son amitié avec Céline et Brasillach qu’il tenta en vain de gracier ?
Du fait qu’il ait continué à publier dans des journaux collaborationnistes, même si c’était des articles d’art ou des histoires ?
Que dans Uranus il humanise et pose la question morale de « l’épuration » d’après-guerre sans se ranger du côté de la vindicte ?
Que d’homme de lettres de « gauche » avant la guerre, il devienne de « droite » et soit définit plus tard comme « anarchiste de droite » ?
En un mot, serait-ce un oubli politique, plus ou moins orchestré ?
Peut-être, un peu.
Mais pas seulement. On ne peut que conjecturer sur un tel sujet mais une autre raison semble se dessiner.
Aymé était un homme silencieux, du moins c’est ce que les gens qui ne le connaissent pas disent, ironise-t-il dans une interview donné à la télévision canadienne en 1958 (https://www.youtube.com/watch?v=aHV5EzqqT8c).
D’extraction populaire et provinciale, éduqué par ses grand-parents à la mort de sa mère quand il avait deux ans, il garda un fort attachement à son origine franc-comtoise tout en devenant une figure très parisienne.
Considéré parfois comme moraliste, un de ses principaux sujets d’études se situe dans les mœurs, qu’elles soient bourgeoises et hypocrites ou rurales et dures (et tout ce qui se situe entre les deux), il y déploie des critiques grinçantes et ambigües, dans Uranus déjà cité, mais également La Tête des autres (plaidoyer en forme de pièce de théâtre contre la peine de mort) ou encore La Vouivre.
Marcel Aymé est en effet un auteur protéiforme, écrivant à la fois contes, récits fantastiques (il ne faudrait pas oublier Le Passe-muraille, une de ses œuvres qui a peut-être le mieux survécu à la postérité), romans, nouvelles et pièces de théâtres (Clérambard, un autre succès populaire), sans compter sa participation plus ou moins active à l’adaptation de ses textes au cinéma.
Moins formaliste que les auteurs cités précédemment, avec une écriture de la ruralité qui ne penche pas vers le sensualisme d’un Giono ou la truculence d’un Pagnol, il fût néanmoins un des grands auteurs satirique et grinçant de son temps (on pourrait penser à Travelingue par exemple, dans lequel il se joue des snobs du milieu du cinéma s’extasiant plus devant l’image potentielle, pour ne pas dire le plan, de l’ouvrier solitaire jouant de l’harmonica que sur sa condition réelle).
Il se pourrait que ce soit là un des facteurs essentiels de ce relatif oubli, de cette perte de popularité, il aura été une pleine figure de son temps, faisant la jonction entre une société rurale très codifiée et celle plus moderne de la capitale de l’entre-deux guerre et de l’après. N’ayant pas une personnalité et une vie pleine d’aventures comme un Kessel ou un Vian, s’étant abstenu des interviews et lieux de publicités contemporaines, il est ainsi devenu un nom, familier, mais un peu flou, sur lequel on tombe de temps en temps sans plus s’attarder.
On peut aussi s’imaginer que sa grande popularité en dépit d’un bon accueil critique ait pu le classer comme un écrivain uniquement populaire et de fait de peu d’intérêt pour la postérité…
Cependant si l’on s’y arrête un moment, on se rend vite compte qu’il y a une certaine richesse en dessous et qu’il est plus présent dans notre imaginaire qu’on ne l’aurait cru.
Saviez-vous qu’il avait refusé la légion d’honneur, suite au vitriol qu’il avait pu subir dans l’immédiat après-guerre, et qu’il avait également décliné la proposition pour sa candidature à l’Académie française, pourtant proférée publiquement par François Mauriac ?
Trop de droite mais pas assez pour être utilisé par les polémistes contemporains, trop populaire mais trop peu flamboyant ou formaliste pour nourrir les anecdotes bien senties de la mondanité et l’ego de la critique, nous pourrions continuer ainsi encore quelques temps, mais il n’est pas question ici de réhabiliter ou de désavouer l’auteur, nous vous invitons plutôt à vous y intéresser, que ce soit à travers les ouvrages que nous proposons, les adaptations filmiques de ses œuvres ou encore, pourquoi pas, à travers l’album que la Pléiade lui a consacré en 2001 ?
22 Oct 2023
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De l’envoi : Céline, Cocteau, Aragon, Ionesco et compagnie…
Nous avons le plaisir de vous proposer aujourd’hui un ensemble d’ouvrages qui intéressera les collectionneurs !
Réunissant un envoi autographe pleine-page de Céline, plusieurs de Cocteau, un d’Aragon et un autre de Ionesco (au sein d’une série destinée au couple Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud), mais aussi des envois dessinés, très souvent pleine-page, de Fassianos et de Combas, parmi bien d’autres… Il est notable que certains d’entre-eux aient appartenu à Serge Tamagnot (mentionné dans de nombreux envois), figure de la nuit parisienne et photographe de ses nombreux amis artistes comme Marcel Jouhandeau ou Violette Leduc.
À la lumière du jour de Constantin Cavafy illutstré par A. Fassianos, Fata Morgana (1989), avec un bel envoi et dessin de Fassianos où tous les éléments sont réunis, les symboles iconiques de l’artiste, la date, la signature et le destinataire Serge Tamagnot.
Le premier élément remarquable de cet ensemble est une réédition (de 1952) de la thèse de médecine que Céline soutint en 1924 (paru chez Gallimard en 1937) : Semmelweis. Celle-ci traite du médecin obstétricien hongrois éponyme, précurseur de Pasteur dans le combat contre les microbes en milieu hospitalier. Il ne réussit malheureusement pas à convaincre le milieu médical de son époque de l’importance capitale de se laver les mains entre deux interventions, pour éviter la contamination, notamment entre une dissection et un accouchement. Cet ouvrage est considéré comme le premier texte littéraire de l’auteur qui s’il ne déploie pas toute son ampleur, montre déjà une partie de son talent et de sa ferveur dans le récit de vie de cet avant-gardiste incompris, en partie à cause de son caractère envahissant. L’envoi autographe dont nous disposons est d’autant plus intéressant qu’il est dédié à un « confrère », inconnu du grand public mais que l’écrivain-médecin semblait tenir en haute estime. D’ailleurs si Céline s’est souvent refusé à dédicacer ses œuvres pour des gens connus, il a écrit plusieurs envois à des « gens ordinaires ». De plus notre exemplaire est un service de presse.
Semmelweis, de Céline, Gallimard, 1952, faux-titre de l’ouvrage, avec la mention S.P pour Service de Presse.
Envoi autographe pleine-page de Céline : « A notre cher confrere […] ».
Dans un autre registre, notre ensemble comporte également plusieurs ouvrages de Jean Cocteau dédicacés par l’auteur à différentes personnes mêlant sa vie artistique et intime, on y retrouve : Arthur Pétronio, inventeur de la Verbophonic (un mouvement proche de la poésie lettriste et sonore) et le couple de théâtre et de cinéma Renaud-Barrault « en vieil ami ». À cela s’ajoute une édition originale de La Belle et la Bête, Journal d’un film (1946) avec un envoi autographe et dessin originale de Véronique Filozof (artiste dont Cocteau fut l’ami et le mécène et à qui il avait écrit : « Je te dis « tu » parce que j’aime ce que tu fais » en découvrant son travail). Cette dernière y relate une soirée en compagnie mondaine, en présence de Jacques Prévert et Max Jacob entre autres, où les personnages du film sont mentionnés, exposition ou soirée privée elle eut lieu dans le quartier latin, rue Danton.
Plain-chant, de Cocteau, librairie Stock, 1923, avec cet envoi touchant de Cocteau à un autre poète expérimentateur formel dont le travail n’est pas sans rappeler les réflexions du groupe « des Six », avec lequel Cocteau a œuvré avant la guerre.
Le cordon ombilical, souvenirs de Cocteau, Plon, 1962, sobre envoi de l’auteur où l’on perçoit l’amitié simple qui l’unit à ce couple mythique.
La Belle et la Bête, journal d’un film de Cocteau, J.B Janin, 1946, avec un dessin original de Véronique Filozof où l’on reconnaît une parenté avec le « style Cocteau », terminant un envoi intéressant sur 3 pages.
On retrouve aussi plusieurs autres envois dédiés au couple mythique Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud sous la plume de Ionesco, Aragon et Triolet où l’on perçoit à la fois complicité et admiration, pour ces deux figures majeures de la vie artistique parisienne du siècle dernier. On peut rappeler que le couple joua et mis en scène plusieurs pièces d’Ionesco ainsi que de Beckett, particulièrement apprécié de Madeleine Renaud qui créa notamment la Winnie de Oh les beaux jours.
Le roi se meurt de Ionesco, Gallimard, 1963, envoi fort intéressant de Ionesco, où se mêle « admiration », « sentiment de culpabilité » et « affection » pour le couple avec qui il a collaboré à plusieurs reprises.
La semaine sainte d’Aragon, Gallimard, 1958, dédicace charmante de l’auteur au couple Renaud-Barrault où il mentionne son entrée au Palais-Royal avec Elsa Triolet ainsi que le fait qu’ils aient « 30 ans à [eux] deux ». Avec une touchante remarque sur leur amitié partagée.
Les manigances d’Elsa Triolet, Gallimard, 1962, on trouve une belle formule d’Elsa Triolet dans cet envoi faisant référence au titre de l’ouvrage et à leur amitié : « ces fausses manigances, cette vraie amitié ».
On retrouve Cocteau et Claudel (un des pères de substitution de Jean-Louis Barrault), entre autres, au sein de la bibliothèque de Serge Tamagnot. Ce dernier collectionna nombres d’ouvrages variés mais souvent liés à ces amitiés et admirations, on y trouve par exemple une édition originale de La batârde de Violette Leduc, en japonais. Il en fut proche et ce particulièrement au soir de la vie de l’autrice. Alekos Fassianos semblait également tenir une place importante dans le cœur de Tamagnot qui posséda nombres de ses ouvrages dédicacés et truffés d’invitations pour ses expositions dans diverses galeries parisiennes. La liste est trop longue pour que l’on soit exhaustif mais citons tout de même deux ouvrages assez singuliers, un exemplaire du Tirésias de Théophile avec un montage d’image érotique de Marcel Jouhandeau pour Serge Tamagnot, daté et signé du 21 mai 1977 ; ainsi qu’une édition originale d’Encore un instant de bonheur d’Henry de Montherlant, à laquelle a été collé sur la garde le manuscrit d’une version antérieur d’un des poèmes de l’œuvre, intitulé : « Le Bonheur ».
La bâtarde de Violette Leduc, édition originale japonaise (1967).
Fragments homériques d’Alekos Fassianos, Syrmos (1993), beau dessin pleine-page de l’artiste avec envoi autographe « pour Serge ».
Belle invitation lithographiée dans les ateliers Michel Cassé, pour une exposition de Fassianos à la Galerie Pudelko à Bonn en Allemagne, signé et daté par l’artiste pour Serge Tamagnot truffant Le mythe à bicyclette de Fassianos également.
Tirésias de Théophile, Jean-Jacques Pauvert (1977), première partie du montage-collage de Marcel Jouhandeau pour Serge Tamagnot reprenant un dessin d’Élie Grekoff réalisé pour le Tirésias de l’auteur en 1954, la deuxième partie sur la page suivante est également une gravure de Grekoff, érotique cette fois-ci.
Manuscrit intitulé « Le Bonheur » d’un des poèmes du recueil Encore un instant de Bonheur de Montherlant, Grasset (1934), renommé « Il fait beau » dans la version définitive.
Sailors & Sea de Pierre et Gilles, Taschen (2005), envoi avec dessin du couple d’artiste-photographes Pierre et Gilles pour Serge Tamagnot.
À cela s’ajoute quelques très beaux ouvrages illustrés de poèmes de Rimbaud ainsi qu’une édition originale de la première édition collective des Illuminations et d’Une saison en enfer avec une préface de Paul Verlaine.
Les Stupra, Album dit Zutique (extraits) de Rimbaud, L’Angelot Maudit Paris (1948), avec 17 gravures érotiques, encore très modernes, de Jean-Paul Vroom. Édition à petit tirage, 75 exemplaires, ici le n°62.
Achevé d’imprimer de cette rare édition « sous le manteau » des Stupra de Rimbaud, édité « aux dépens d’un groupe de bibilophiles » avec cinq impressionnantes gravures pointes sèches, présumées comme étant de Tavy Notton, en 1943 à Grenoble.
Belle édition du poème Les poètes de sept ans de Rimbaud, GLM (1939), avec sept superbes gravures pointes sèches de Valentine Hugo et une préface de Paul Eluard.
Illustration de Valentine Hugo pour Les poètes de sept ans.
Première édition originale collective des Illuminations et d’Une saison en enfer de Rimbaud, Librairie Léon Vanier en 1892.
Préface de cette première édition collective, écrite par Paul Verlaine et reprise de la première édition des Illuminations en 1886.
Vous avez ainsi pu voir l’intérêt que présente cet ensemble d’ouvrages comportant de nombreux envois particulièrement intéressants, par leurs longueurs et leurs teneurs, ainsi que de beaux dessins originaux pleine-pages ! Et nous avons l’honneur de vous en proposer d’autres encore, que nous ne vous avons pas révélé dans cet article mais que vous pouvez retrouver sur notre site ! Parmi-eux un curieux envoi sur deux pages de Marcel Jouhandeau à Jean-Louis Barrault à propos d’un jeune homme, ainsi qu’un autre de Daniel Boulanger semblant badiner avec Madeleine Renaud …
Alors n’hésitez pas à y faire un tour !