26 Oct 2016
Les statues magiques de Maria, une vision surréaliste
Les amateurs d’arts plastiques sont à l’honneur cette semaine avec Abraxas ! Gros plan sur une artiste peu connue en Europe mais qui a marqué l’histoire de l’art brésilien et américain : Maria Martins. Nous la découvrons à travers ses « Statues magiques » * un ouvrage rare, présenté par messieurs André Breton et Michel Tapié.
Maria Carlos Martins Pereira de Souza, artiste avant-gardiste
De nationalité brésilienne, Maria de Lourdes Alves est née en 1894 à Capanha d’un père ministre et d’une mère pianiste. En 1926, elle prend le nom de son second mari et devient Maria Martins. En 1939, elle suit son époux ambassadeur aux États-Unis, à New York plus précisément. C’est dans cette ville que Maria Martins étudie les arts plastiques avec les sculpteurs Jacques Lipchitz et Stanley William Hayter. Deux ans plus tard, l’artiste expose pour la première fois son travail, sobrement intitulé « Maria », à la Galerie d’Art Corcoran de Washington. En 1943, la Galerie Valentine de New York, organise une double exposition, mettant en avant les travaux de Piet Mondrian et de Maria Martins. Cette dernière y fait d’ailleurs l’acquisition d’un des célèbres tableaux du peintre (« Broadway Boogie Woogie ») pour seulement 800$. Par la suite, elle fit don de l’œuvre au Musée d’Art Moderne.
Maria Martins a également eu une liaison avec le célèbre artiste Marcel Duchamp (inventeur du ready-made) ; elle dura de 1946 à 1954. En 2009, les membres de la famille de la sculptrice brésilienne publient la correspondance des deux amants qui confirme que Maria Martins a servi de modèle pour le dernier chef-d’œuvre de Duchamp, une installation « voyeuriste » intitulée « Étant donnés« . En 1951, Maria Martins retourne dans son Brésil natal où elle participe à la création de la toute première édition de la Biennale d’Art de Sao Paulo. Elle décède en mars 1973, à Rio de Janeiro et restera connue pour ses sculptures modernes.
Le point de vue de Breton et Tapié
Dons l’ouvrage, plusieurs textes « illustrent » les œuvres de Maria Martins. On trouve tour à tour des propos recueillis lors de l’exposition de l’artiste à la Julien Levy Gallery de New York en 1947, des analyses surréalistes et même l’intégralité du texte que Maria a gravé en français sur des plaques de cuivre, à l’occasion d’une exposition à New York en 1946. Le tout sous le prisme littéraire, artistique et surréaliste d’André Breton, de Michel Tapié et de l’artiste elle-même. Pour rappel, le premier était écrivain, poète et critique, un des pères du surréalisme. Le second était critique d’art et s’est également essayé aux arts visuels et à la musique. Deux figures françaises de l’art toutes désignées pour présenter l’œuvre de Maria Martins.
Encore une fois, cet ouvrage est d’une extrême rareté, son tirage étant limité à seulement 350 exemplaires, tous numérotés (ici le n°171). Nous vous laissons maintenant avec quelques extraits des « Statues magiques de Maria ».
*A l’heure où nous publions cet article, « Les statues magiques de Maria » n’est malheureusement plus disponible à la vente.
22 Mai 2022
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Warnod
André Warnod est un écrivain, dessinateur et critique d’art né à Giromagny le 24 avril 1885 et décédé à Paris le 10 octobre 1960. Il est le père de la journaliste Jeanine Warnod. Témoin et acteur de l’effervescence artistique que connurent les quartiers de Montmartre et Montparnasse au début du XXème siècle, Warnod est le premier à lancer l’appellation « École de Paris » dans un article de la revue Comoedia publié le 27 janvier 1925. Il reprit cette invention dans l’introduction de son livre Les berceaux de la jeune peinture paru en octobre de la même année.
Il s’agit de l’ouvrage que nous vous présentons aujourd’hui et que vous pouvez découvrir sur la photo ci-dessus. L’exemplaire broché en notre possession fait partie du tirage original de 1925, la première édition n’ayant pas connu de tirage sur grand papier. Outre le bon état général, notre exemplaire présente la particularité d’être accompagné d’une lettre tapuscrite d’André Warnod, signée à l’encre, et adressée à René Vanhoutte concernant l’achat de toiles. L’ouvrage revient sur l’émulation artistique qui a animé les quartiers de Montmartre et Montparnasse au début du XXème siècle et qui a donné naissance à la fameuse expression de Warnod.
Dépassant la limite temporelle des décennies 1910-1930, l’appellation « École de Paris » peut être étirée jusqu’aux années 1960. Elle pose cependant problème lorsqu’elle est employée pour désigner un groupe d’artistes spécifique. L’autrice Lydia Harambourg, dans son Dictionnaire des peintres de l’École de Paris paru en 1993, avance l’argument, par l’utilisation de ce terme, de l’homogénéisation des différentes périodes de développement de l’art moderne amorcées par les artistes vivant à Paris au cours de ces dites périodes.
« Le terme École de Paris sera gardé, parce qu’aucun autre ne peut mieux désigner, en ces années d’après-guerre, la suprématie de la capitale en matière d’art ».
On peut ainsi distinguer trois grandes périodes de maturation de ce qui sera dénommé l’art moderne : les années 1900/1920, l’entre-deux-guerres puis la période couvrant la fin de la Seconde Guerre Mondiale jusqu’aux années 1960.
Kisling, Pâquerette et Picasso à la Rotonde en 1916
En employant l’expression en 1925, André Wernod faisait référence aux artistes étrangers, souvent d’Europe centrale, arrivés à la capitale depuis le début du siècle et qui se fixèrent essentiellement à Montparnasse. On peut citer, parmi les artistes arrivés à Paris au cours des premières décennies du XXème siècle, Marc Chagall, Foujita, Soutine, Amadeo Modigliano, Picasso… Ce contexte cosmopolite est notamment marqué par une forte immigration juive originaire de l’Est et qui participe du mouvement de réveil social et intellectuel qui avait alors cours en Europe à Paris, Berlin ou encore Vienne. On compte ainsi plus de 500 artistes à Paris pendant l’entre-deux-guerres, que la Première Guerre Mondiale dispersera : soit par le retour au pays natal (Chagall, Léopold Gottlieb…) soit par l’engagement volontaire dans l’armée française (Marcoussis, Mondzain, Soutine…).
Une section de l’exposition « De la Bible à nos jours, 3000 ans d’art », qui s’est tenue au Grand-Palais en 1985, présentait une rétrospective des artistes juifs de l’École de Paris de Paris, un terme employé par André Warnod, sur la demande de Paul Signac, pour qualifier les artistes de confession israélite fuyant les pays d’Europe centrale et de l’Est pour se réfugier dans la capitale française. L’écrivain Hersh Fenster avait notamment publié en 1951 Undzere farpaynikte kinstler, un « livre de piété » retraçant la vie de 84 artistes juifs de cette période qui périrent durant la Seconde Guerre Mondiale. Les éditions Hazan en ont publié une version traduite sous le titre Nos artistes martyrs en 2021.
Après la Grande Guerre, l’arrivée d’artistes étrangers reprend de plus belle ; l’émulsion artistique gagne Montparnasse qui remplace Montmartre comme lieu de prédilection de cette nouvelle génération d’artistes. Le changement de régime politique en Russie, l’arrivée au pouvoir d’Hitler en Allemagne, les tensions géo-politiques en Europe, entraînent l’arrivée de Serge Poliakoff, Alexandre Garbell, Kirszenbaum… Cette nouvelle population artistique apporte de nouvelles tendances, telles que l’abstraction ou bien l’importance de la couleur en peinture.
Giacometti dans son atelier
Après la Seconde Guerre Mondiale, l’expression de l’École de Paris adopte une nouvelle dimension, désignant une nouvelle génération d’artistes en réaction à l’émergence d’une École de New York, un art moderne tournant principalement autour de la figure de Jackson Pollock et porté aux nues notamment par le critique d’art Clement Greenberg. Cette tendance américaine se place comme le nouvel épicentre de la création artistique contemporaine face aux traditionnelles avant-gardes européennes en perte de vitesse après la guerre.
Face à l’expressionnisme abstrait américain, cette « Nouvelle École de Paris », comme désignée par André Warnod pour la différencier de la première génération, se caractérise par un goût pour le modernisme passant par une esthétique figurative ou, majoritairement et à l’initiative du galeriste Charles Estienne, abstraite. Ce sont de jeunes artistes qui ont peu animé le paysage artistique pendant la guerre, plus actifs au sein des armées alliées ou dans la Résistance. Ce sont les débuts de l’art informel (Fautrier, Dubuffet…) ou bien de l’abstraction lyrique (Hans Hartung, Georges Mathieu, Riopelle..) jusqu’au tachisme de Michel Tapié. Cette « lutte » entre les deux côtés de l’Atlantique, alimentée par les galeristes et critiques d’art, durera jusqu’aux années 1960.