23 Avr 2017
« L’âme impériale ou l’Agonie de Messaline », de Valentine de Saint-Point, artiste multifacettes et féministe avant l’heure
La Trouvaille de cette semaine est une « tragédie en 3 moments avec musique de scène », intitulée « L’âme impériale ou l’Agonie de Messaline« . Outre la qualité de l’oeuvre et la rareté du livre en question, c’est avant tout de l’auteure dont nous souhaitons vous parler. Cette artiste encore trop méconnue a tour a tour porté la casquette d’écrivain, de poète, de dramaturge, de critique d’art, mais aussi de peintre et de chorégraphe ! Portrait de cette « sur-femme ».
Valentine de Saint-Point : débuts littéraires
Né en 1875 à Lyon, Valentine de Saint-Point, de son vrai nom Anna J. V. M. de Glans de Cessiat-Vercell est l’arrière petite-nièce du poète Alphonse de Lamartine. C’est en hommage à son aïeul qu’elle prend le pseudonyme de Saint-Point (nom du château de ce dernier). Elle fait son entrée dans la vie publique à partir de son second mariage (1900) en organisant un salon littéraire. Plusieurs figures artistiques et politiques répondent présent : Mucha, Rachilde, Paul Fort, Gabriel d’Annunzio ou encore Auguste Rodin. Rodin pour lequel elle accepte d’ailleurs de poser et avec qui elle développe une tendre amitié qui ne manquera pas d’influencer son parcours artistique. En témoignent les poèmes d’admiration que Rodin lui inspire : « Le Penseur » ou « Ses mains« . Une inspiration réciproque -ce dernier la surnomme « la déesse de chair dans son inspiration de marbre », qui s’exprimera à travers leur correspondance.
Alors qu’elle met fin à son second mariage, elle décide de prendre le nom de Saint-Point et de ne plus jamais se marier afin de laisser libre cours à sa vie artistique. Suite à son divorce (1904), elle vit en union libre avec le poète italien Ricciotto Canudo, qui l’encourage à écrire. De Saint-Point ne tarde pas à publier ses premiers recueils de poésie (« Poèmes de la mer et du Soleil« ), à produire des articles pour diverses revues (« La nouvelle revue« , « Le Mercure », « Poésia« , etc). L’auteure explore également le genre romanesque, provoquant parfois le scandale, notamment avec son titre univoque « Un inceste« .
Après ces premiers écrits, Valentine de Saint-Point s’essaye au théâtre avec son premier drame en un acte : « Le Déchu » (1909). Bien que malmenée par la critique, son auteure continue sa production théâtrale ancrée dans un esprit féministe.
Métachorie, luxure et politique
En 1911, elle s’installe dans un atelier d’artiste, au 19 rue de Tourville, afin de se consacrer (entre autres) aux arts picturaux. En multipliant les réceptions mondaines, elle gagne en notoriété et ses soirées « apolliniennes » sont courues dans le tout-Paris. De nombreux artistes et intellectuels s’y retrouvent et viennent présenter leur derniers poème, pièce ou sonate (Maurice Ravel, Villiers de l’Isle-Adam, Boccioni ou encore Filippo Tommaso Marinetti). Ce dernier est l’auteur du « Manifeste du futurisme« . Mouvement dont elle se rapproche mais en y apposant sa touche féministe en publiant le « Manifeste de la femme futuriste » et un peu plus tard « Le manifeste futuriste de la luxure« . De Saint-Point y prône une « sur-femme » virile et vivant pleinement sa sexualité, le pendant du « sur-homme » de Nietzsche. Elle se fait également remarquer en exposant ses tableaux et gravures sur bois au « Salon des indépendants » jusqu’en 1914.
En 1913, son compagnon lance la revue « Montjoie!« , autoproclamée « Organe de l’impérialisme artistique français » qui rallie l’avant-garde artistique du pays : Valentine Hugo, Guillaume Apollinaire, Fernand Léger ou André Salmon pour n’en citer que quelques-uns. C’est à cette époque que Valentine de Saint-Point s’intéresse de plus près à la danse. De ses expérimentations et de sa réflexion naissent une nouvelle forme d’art transdisciplinaire : la métachorie. Cette « danse graphique/idéiste » illustre donc des poèmes à l’aide de compositions de Claude Debussy, Maurice Ravel ou Erik Satie.
« […] dans la Métachorie, c’est l’idée qui en est l’essence, l’âme. La danse et la musique étant suggérées par elle, on peut donc dire que la Métachorie forme un organisme vivant, dont l’idée est l’âme, la danse le squelette, et la musique la chair. »
Lorsque la guerre éclate, Valentine de Saint-Point -à l’instar de ses confrères masculins Apollinaire et Blaise Cendrars, s’engage au sein de la Croix-Rouge. Puis elle quitte la France en 1916 et part voyager en Espagne, aux États-Unis et au Maroc, où elle se convertit à l’islam. Quelques années plus tard, elle revient en France, le temps de constater que plus rien ne l’y retient. Elle publie son dernier roman en 1924 puis part s’installer au Caire avec deux amis. La vie culturelle qu’elle continue de mener activement se teinte de politique avec la création de « Phoenix, la revue de la renaissance orientale » (1925). La publication, très critique vis-à-vis de l’impérialisme du monde occidental sur le monde musulman, ne tarde pas à engendrer des conflits au sein de la communauté francophone et avec les autorités égyptiennes pour cause de troubles à l’ordre public. Si elle veut rester dans le pays, elle doit cesser toutes ses activités politiques. Ce qu’elle consent à faire.
Valentine de Saint-Point consacre le reste de sa vie à la spiritualité avec l’étude des religions et la pratique de la méditation. Elle s’éteint en 1953 au Caire alors âgée de 78 ans, sous le nom de Rawhiya Nour-el-Dine.
Si vous souhaiter en savoir plus sur Valentine de Saint-Point, voici un article complémentaire sur l’analyse de son œuvre.
23 Juin 2018
0 Comments
« Les muselières pour femmes et autres supplices, orné de curieuses illustrations de l’époque »
A l’heure des #metoo et des combats pour l’égalité homme-femme, nous vous proposons aujourd’hui un ouvrage décrivant les mœurs d’un autre temps. Un « charmant » livre intitulé « Les muselières pour femmes et autres supplices » écrit par le sociologue Jean Finot au début du XXe siècle ; avec au programme un « ravissant » assortiment d’accessoires pour museler les femmes, accompagné de quelques exemples de tortures punitives. La lutte est toujours d’actualité et cet incroyable catalogue historique nous rappelle -malgré tout- le chemin heureusement parcouru!
Un ouvrage féministe rare écrit par un humaniste éclairé
Contrairement à ce que peut laisser penser le titre, l’auteur ne promeut pas l’utilisation de ces accessoires (de véritables tortures). Au contraire, Jean Finot réalise un travail d’historien et de sociologue critique en étudiant ces pratiques. L’auteur, issu d’une famille juive polonaise, est né à Varsovie à la fin du XIXe siècle. Il est surtout connu pour sa prise de position contre les théories racistes avec son ouvrage majeur « Le préjugé des races » (1905). A l’époque, rares sont les intellectuels qui émettent une opinion différente des théories « scientifiques » racistes ambiantes. Par ailleurs, Jean Finot s’engage dans la lutte et la prévention contre l’alcoolisme (« L’Alarme« ).
Outre son combat contre le racisme et l’alcoolisme, l’auteur cherche aussi à mettre les femmes sur un même pied d’égalité sociale que les hommes, on peut citer :
A travers l’ouvrage que nous vous présentons, l’auteur cherche à expliquer pourquoi les femmes sont méprisées depuis l’Antiquité et le Moyen-Âge. Il a écrit un autre ouvrage consacré au sujet du féminisme (même s’il n’en porte pas le nom) : « Préjugé et problèmes des sexes » (1912). Constatant que les mœurs ont évolué rapidement et dans le bon sens, il est convaincu que l’égalité homme-femme sera bientôt établie. Ces propos choisis font pourtant encore écho un siècle plus tard !
Un époux en promenade humiliante avec sa femme muselée et en laisse
Petit musée des horreurs
Les muselières dont il est question dans cet ouvrage auraient été créées et principalement utilisées en Écosse et en Angleterre à partir des XVIe et XVIIe siècles. De nombreux modèles existent, en fonction de la sévérité de la punition allant d’une sensation désagréable à douloureuse voire insoutenable. Punition qui peut être infligée par le mari bien sûr, mais aussi par ordonnance d’un magistrat et appliquée par le geôlier local. Des modèles simples aux plus sophistiqués, le but est le même: empêcher la femme de parler, l’humilier voire la faire souffrir. Certains des ces dispositifs sont équipés d’une « languette » de métal écrasant la langue afin d’empêcher la parole. Parfois la languette est aiguisée, d’autres fois remplacée par des pointes, etc. pouvant causer des blessures importantes aux « mégères ». Certains modèles sont assortis d’une chaîne afin que le mari puisse exhiber et humilier sa femme plus facilement, ou l’attacher quelque part (place du Marché par exemple). D’autres sont garnis d’une clochette pour prévenir de sa présence, puisqu’elle ne peut émettre d’autres sons. Certaines muselières se contentent de couvrir la bouche et disposent même de trous pour boire, manger ou baver quand elle ne pouvait déglutir.
D’autres supplices plus « classiques » sont aussi décrits, je vous laisse le plaisir de les découvrir par vous-même. A noter que l’usage de ces muselières était aussi courant pour punir et contrôler les esclaves, qui cherchaient notamment à se suicider en ingérant toute substance provoquant la mort. Notons que l’utilisation des muselières en Grande-Bretagne perdura jusqu’en 1824.
Ce livre, d’une grande rareté est une curiosité du XXe siècle que nous vous invitons à découvrir aussi bien en boutique que sur notre site de vente en ligne.
Si vous souhaitez recevoir nos newsletters thématiques (livres anciens, livres illustrés, etc.), il vous suffit de vous inscrire ICI.