23 Mar 2018
Ar Seiz Breur, mouvement artistique breton moderne
Pendant l’entre-deux-guerres, de jeunes artistes bretons se regroupent et se fixent un objectif: mettre les arts celtes et breton en particulier au goût du jour. De cette volonté est né le mouvement Ar Seiz Breur (des Sept Frères en breton). Abraxas-Libris vous invite cette semaine à la découverte d’un phénomène artistique régional peu connu et qui pourtant influence encore les artistes bretons d’aujourd’hui.
L’art breton modernisé
Plusieurs versions existent, mais c’est probablement lors d’un cours de celtique à la Sorbonne de Paris que Jeanne Malivel, René-Yves Creston et Georges Robin se rencontrent. Puis, c’est dans un second temps, en 1923 lors d’un pardon à Folgoët que ces derniers (rapidement rejoints par James Bouillé) décident de concrétiser leurs projets. Les artistes sont céramistes, architectes, graveurs ou peintres et font l’état des lieux de l’art traditionnel breton au lendemain de la guerre 14-18. Bretons d’origine, ils ont également étudié les arts décoratifs à Paris et regrettent l’immobilisme de l’art breton qu’ils jugent figé dans le passé. Pour eux, il existe trois raisons principales à cette perception surannée. La culture parisienne d’une part, prenant le pas sur les cultures régionales traditionnelles en les faisant passer de mode. La naissance du tourisme d’autre part, incitant les bretons à conserver leurs attributs pittoresques: l’époque dite de la « biniouserie« . Enfin, nous l’évoquions plus tôt, l’après-guerre et la production massive de monuments aux morts souvent commandés en série, au détriment des sculpteurs et tailleurs de pierre locaux.
Pour les jeunes artistes, l’art se doit d’être l’expression vivante de son peuple et non se contenter de reprendre les mêmes recettes éculées. Tout l’enjeu réside dans le fait de reprendre les codes de l’art traditionnel breton tout en le modernisant.
Sous l’impulsion de Jeanne Malivel, le groupe se trouve un nom symbolique : Ar Seiz Breur, (« les Sept Frères »), une idée qui serait tirée d’un conte du pays gallo.
Les membres fondateurs du mouvement des Seiz Breur
Les trois membres fondateurs ont vite été rejoints par d’autres artistes du milieu culturel breton. Voici quelques-uns de leur représentants.
Xavier de Langlais (né à Sarzeau 1906 – 1975), peintre, graveur, céramiste, verrier et écrivain. Rejoint l’Unvaniezh Seiz Breur en 1924. Militant breton, il œuvrera notamment pour l’art chrétien breton et la langue bretonne vannetaise avec plusieurs revues culturelles. Il fera sa carrière en tant qu’enseignant à l’École des Beaux-Arts de Rennes.
Jakez Riou (né à Lothey 1899 – 1937), écrivain en langue bretonne, il participe notamment à la revue littéraire Gwalarn.
Xavier Haas (né à Paris 1907 – 1950), peintre et graveur. Breton d’adoption, il y rencontre Xavier de Langlais et rejoint les Seiz Breur en 1936 à l’occasion de l’Exposition Internationale de Paris (pavillon Bretagne).
Creston René-Yves et Suzanne (nés à Saint-Nazaire 1898 – 1964 et 1899 – 1979). Lui: peintre (officiel de la Marine), sculpteur, graveur mais aussi ethnologue. Co-fondateur du mouvement qu’il dirigera jusqu’en 1944 où il cédera sa place à Xavier de Langlais (résistant). Elle: céramiste, elle créera par la suite avec Marguerite Gouarlaouen la confrérie des Nadoziou « les aiguilles » afin de promouvoir l’art du tissage.
Jeanne Malivel (née à Loudéac en 1895), elle se tourne vers la peinture, l’illustration et la gravure. Elle participe à la création du journal régionaliste Breiz Atao. Co-fondatrice des Seiz Breur, elle s’en éloigne après des divergences au sein du groupe et meurt prématurément de la typhoïde en 1926.
Youenn Drezen (né à Pont-l’Abbé 1899 – 1972) est journaliste et écrivain, et cherche à travers l’adhésion à de nombreux mouvements littéraires, culturels et artistiques à redonner ses lettres de noblesse à la culture bretonne en général. Gwalarn, Al liamm, Radio Roazon Breiz, L’Heure bretonne, Stur, La Bretagne…
D’autres artistes ont intégré ou côtoyé le mouvement, parmi eux: Roparz Hemon, James Bouillé, Caouissin Herry, Pierre Péron, etc.
Leurs sources d’inspiration gravitent autour de thèmes séculaires bien ancrés dans l’imaginaire breton: toutes les mythologies celtiques, les incontournables légendes bretonnes (Brocéliande et cycle arthurien), le druidisme, la religion (pardons, pèlerinages, vie des saints). Sans pour autant oublier d’y intégrer la vie quotidienne en reprenant les thèmes traditionnels de la ruralité et de la maritimité. Les décors surchargés, la lourdeur sont abandonnés, pour ne laisser qu’un motif, une forme, épurés et conservant malgré tout l’esprit breton / celte. L’art, bien que plus abstrait reste populaire et décoratif ; il est décliné sur les objets de la maison (faïence, textile, mobilier). Aujourd’hui encore, ce renouveau a gardé sa beauté, sa modernité et continue d’inspirer les nouvelles générations d’artistes.
—- Les curieux peuvent voir ici une petite vidéo présentant une exposition sur le mouvement Seiz Breur aux Beaux-Arts de Rennes (2000). —-
Pour terminer, nous vous laissons avec quelques illustrations caractéristiques du mouvement Seiz Breur (tirées de nos étagères), dont « Ene Al Linennou« , un livre important dans lequel son auteur, Xavier de Langlais y expose ses idées sur l’art et notamment l’importance des lignes dans le dessin et la peinture. Un ouvrage proche de l’essai sur l’art décoratif breton!
8 Sep 2018
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Les aventures de Tintin en noir et blanc
Lorsqu’on prononce les mots « Tintin en noir et blanc », le grand public pense immanquablement à « Tintin au Pays des Soviets » paru en 1930. Et pourtant, entre 1931 et 1941, ce ne sont pas moins de huit albums de Tintin qu’Hergé a fait éditer en format noir et blanc : « Tintin au Congo » (1931), « Tintin en Amérique » (1932), « Les Cigares du Pharaon » (1934), « Le Lotus Bleu » (1936), « L’Oreille Cassée » (1937), « L’Ile Noire » (1938), « Le Sceptre d’Ottokar » (1939), et enfin « Le Crabe aux Pinces d’Or » (1941), épisode fameux entre tous, puisqu’il marque la première apparition du Capitaine Haddock dans l’univers de Tintin.
En dehors du cercle des collectionneurs chevronnés, d’aucuns pourraient se questionner quant à l’intérêt de ces albums (étant donné que ceux-ci ont depuis été réédités en couleur). Ce qui en constitue l’attrait principal, c’est que les dessins d’Hergé ne sont pas tout à fait les mêmes que dans les rééditions ultérieures. Ainsi, dans l’édition de 1938 de « L’Ile Noire », les inénarrables jumeaux policiers Dupond et Dupont arborent des visages aux expressions martiales, pour ne pas dire belliqueuses, beaucoup plus prononcées, ce qui agrémente le récit d’un suspense supplémentaire. De même, le noir et blanc ajoute à l’ensemble de l’histoire une indéniable tension dramatique, qui est plus atténuée dans l’édition en couleur.
En dehors même de la superbe patine des pages et de l’évidente beauté plastique de ces albums, la rareté extrême de ces éditions constitue à elle seule une qualité primordiale pour tout collectionneur de Tintin qui se respecte ! D’autant plus que chaque album est agrémenté de quatre pages en couleur, où figurent plusieurs scènes-clés du récit (par exemple, le périple en avion de Dupond et Dupont dans « L’Ile Noire »), isolées de manière splendide, ce qui renforce l’aspect « culte » de ces éditions.
La Librairie Abraxas-Libris propose, outre un triptyque « collector » en noir et blanc ( »Le Sceptre d’Ottokar/ »Tintin en Amérique »/ »Le Crabe aux Pinces d’Or »), un coffret regroupant en petit format l’intégralité des éditions originales de Tintin. Il s’agit là, à n’en pas douter, d’une pièce maîtresse dans l’édition des œuvres d’Hergé, qui ravira aussi bien les collectionneurs aguerris que les néophytes émerveillés (« Tintin au Congo » mis à part, pour des raisons évidentes – Hergé s’est heureusement rattrapé ensuite avec le discours humaniste de « Coke en Stock« ). Grâce à cette magnifique entreprise de réédition, la magie de Tintin traverse, intacte et sans cesse renouvelée, les décennies pour se décliner dans tous les formats (dont le plus récent est une adaptation filmique des plus soignées par le grand Spielberg).
Entre autres raretés indispensables, Abraxas-Libris vend actuellement pas moins de neufs Tintin en langue bretonne (disponibles de manière limitée, puisque ce type d’ouvrage a pour habitude de partir très vite !), ainsi que divers trésors singuliers, tel que Tintin et moi : entretiens avec Hergé, le truculent Tintin & Co de Michael Farr, ou bien encore le somptueux album (60 vignettes couleurs) d’Hergé consacré à la Marine (des origines à 1700). Ces ouvrages rarissimes ont tendance à ne pas rester longtemps disponibles sur le site d’Abraxas-Libris : ainsi, les éditions noir et blanc de l’ « Ile Noire » et du « Lotus Bleu » ont d’ores et déjà trouvé preneur !