4 Sep 2015
Modes et manières d’aujourd’hui – une présentation générale
La Librairie est incroyablement heureuse de vous présenter un ensemble unique et sans aucun équivalent.
Ayant acquis il y a peu quelques exemplaires exceptionnels de cette magnifique revue d’art et de mode qu’était Modes et manières d’aujourd’hui, nous nous proposons ici de parcourir l’histoire de la revue, ainsi que de ses illustrateurs et auteurs prestigieux.

Comme vous le savez certainement, « Modes et manières d’aujourd’hui » représente le meilleur de la mode du début de siècle, par les artistes l’ayant faite, au plus haut de leur art. Il s’agit probablement de l’entreprise éditoriale du début de siècle la plus aboutie et la plus fascinante.
Il y a maintenant plus de 100 ans, le projet de créer une revue d’art et de mode de haute qualité est porté par Pierre Corrard, auteur et éditeur de la première moitié du XXe siècle. Afin d’accompagner la révolution artistique et vestimentaire des années folles, il publie, en 1912, une première chemise comportant quelques textes signés de lui, et un ensemble de douze magnifiques planches couleurs, réalisées par Georges Lepape à son apogée.
Cette chemise est seulement tirée à 300 exemplaires, tous sur papier Japon des Manufactures de Shizuoka.
Devant l’accueil fait à cette première publication, Corrard décide, chaque année, de proposer une chemise de même facture, avec des auteurs et des artistes différents.
Dès 1913, c’est Charles Martin et Nozières qui prennent la place de Georges Lepape et Pierre Corrard.
En 1914, c’est George Barbier, sur des textes de Henri de Régnier.
La guerre éclatant, la publication de la série s’interrompt. Début 1919, c’est à nouveau Georges Lepape, qui propose un volume consacré aux « années de guerre » (1914-1919). les illustrations sont Accompagnées de textes de Henry-Jacques.
Puis, en 1919 à nouveau, il demande à A. E. Marty de réaliser un volume couvrant à la fois le retour des soldats et la folie, immédiatement postérieure, qui va animer les arts sous toutes leurs formes : ce sont les fameuses Années Folles. Les textes accompagnant le volume sont de Tristan Bernard.
En 1920, Robert Bonfils et Gérard d’Houville livrent leur volume. Et il faudra attendre 1922 pour voir paraître le septième et dernier volume, illustré par Fernand Siméon, pour accompagner un beau texte raffiné de Paul Valéry.
Chaque chemise se présente de la même manière : un cartonnage fort, dont le premier plat est frappé des seuls titres et années, et qui en son centre est décoré d’une illustration couleurs. Les planches prennent place dans un ensemble de quatre rabats fait du même papier que celui utilisé pour la contre garde, et dont le motif a été dessiné par l’artiste réalisant les planches intérieures. L’ouvrage, en feuilles, débute par une page de titre reprenant l’illustration de couverture. Puis viennent les pages proposant le texte, et, après le colophon, les planches illustrées.
Un soin tout particulier est apporté à la réalisation de ces planches, de la gravure au passage des pochoirs.
Dans les jours qui viennent, nous vous présenterons les différents numéros de cette revue exceptionnelle. Avant cela, vous pouvez déjà aller faire un tour sur le site, pour y découvrir la vitrine que nous avions déjà consacrée à « Modes et manières d’aujourd’hui », mais aussi pour voir les exemplaires que nous vous proposons à la vente.
23 Mar 2018
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Ar Seiz Breur, mouvement artistique breton moderne
Pendant l’entre-deux-guerres, de jeunes artistes bretons se regroupent et se fixent un objectif: mettre les arts celtes et breton en particulier au goût du jour. De cette volonté est né le mouvement Ar Seiz Breur (des Sept Frères en breton). Abraxas-Libris vous invite cette semaine à la découverte d’un phénomène artistique régional peu connu et qui pourtant influence encore les artistes bretons d’aujourd’hui.
Bois gravé extrait de « L’Histoire de Notre Bretagne » (1922) par Jeanne Malivel
L’art breton modernisé
Plusieurs versions existent, mais c’est probablement lors d’un cours de celtiques à la Sorbonne de Paris que Jeanne Malivel, René-Yves Creston et Georges Robin se rencontrent. Puis, c’est dans un second temps, en 1923 lors d’un pardon à Folgoët que ces derniers (rapidement rejoints par James Bouillé) décident de concrétiser leurs projets. Les artistes sont céramistes, architectes, graveurs ou peintres et font l’état des lieux de l’art traditionnel breton au lendemain de la guerre 14-18. Bretons d’origine, ils ont également étudié les arts décoratifs à Paris et regrettent l’immobilisme de l’art breton qu’ils jugent figé dans le passé. Pour eux, il existe trois raisons principales à cette perception surannée. La culture parisienne d’une part, prenant le pas sur les cultures régionales traditionnelles en les faisant passer de mode. La naissance du tourisme d’autre part, incitant les bretons à conserver leurs attributs pittoresques: l’époque dite de la « biniouserie« . Enfin, nous l’évoquions plus tôt, l’après-guerre et la production massive de monuments aux morts souvent commandés en série, au détriment des sculpteurs et tailleurs de pierre locaux.
Vue générale de la façade occidentale de la chapelle de Coat-Quéau édifiée par James Bouillé, à Scrignac, Finistère, Bretagne, France.
Pour les jeunes artistes, l’art se doit d’être l’expression vivante de son peuple et non se contenter de reprendre les mêmes recettes éculées. Tout l’enjeu réside dans le fait de reprendre les codes de l’art traditionnel breton tout en le modernisant.
Sous l’impulsion de Jeanne Malivel, le groupe se trouve un nom symbolique : Ar Seiz Breur, (« les Sept Frères »), une idée qui serait tirée d’un conte du pays gallo.
Île Tristan : la chapelle des aviateurs (dénommée ainsi en l’honneur de l’aviateur Dieudonné Costes, ami de Jacques Richepin ; de style néobreton ; construite en 1930 en granite gris de Lanhélin par l’architecte James Bouillé, qui faisait partie du mouvement des Seiz Beur et devenue caveau familial de la famille Richepin)
Les membres fondateurs du mouvement des Seiz Breur
Les trois membres fondateurs ont vite été rejoints par d’autres artistes du milieu culturel breton. Voici quelques uns de leur représentants.
Xavier de Langlais (né à Sarzeau 1906 – 1975), peintre, graveur, céramiste, verrier et écrivain. Rejoint l’Unvaniezh Seiz Breur en 1924. Militant breton, il œuvrera notamment pour l’art chrétien breton et la langue bretonne vannetaise avec plusieurs revues culturelles. Il fera sa carrière en tant qu’enseignant à l’École des Beaux-Arts de Rennes.
« Inizi ar Yaouankiz », par Xavier de Langlais. Musée de Bretagne: 2008.0032.13.1.
Jakez Riou (né à Lothey 1899 – 1937), écrivain en langue bretonne, il participe notamment à la revue littéraire Gwalarn.
Xavier Haas (né à Paris 1907 – 1950), peintre et graveur. Breton d’adoption, il y rencontre Xavier de Langlais et rejoint les Seiz Breur en 1936 à l’occasion de l’Exposition Internationale de Paris (pavillon Bretagne).
Creston René-Yves et Suzanne (nés à Saint-Nazaire 1898 – 1964 et 1899 – 1979). Lui: peintre (officiel de la Marine), sculpteur, graveur mais aussi ethnologue. Co-fondateur du mouvement qu’il dirigera jusqu’en 1944 où il cédera sa place à Xavier de Langlais (résistant). Elle: céramiste, elle créera par la suite avec Marguerite Gouarlaouen la confrérie des Nadoziou « les aiguilles » afin de promouvoir l’art du tissage.
« Le vieil arbre ». Estampe de Jeanne Malivel. Musée de Bretagne: 2006.0007.8.
Jeanne Malivel (née à Loudéac en 1895), elle se tourne vers la peinture, l’illustration et la gravure. Elle participe à la création du journal régionaliste Breiz Atao. Co-fondatrice des Seiz Breur, elle s’en éloigne après des divergences au sein du groupe et meurt prématurément de la typhoïde en 1926.
Youenn Drezen (né à Pont-l’Abbé 1899 – 1972) est journaliste et écrivain, et cherche à travers l’adhésion à de nombreux mouvements littéraires, culturels et artistiques à redonner ses lettres de noblesse à la culture bretonne en général. Gwalarn, Al liamm, Radio Roazon Breiz, L’Heure bretonne, Stur, La Bretagne…
D’autres artistes ont intégré ou côtoyé le mouvement, parmi eux: Roparz Hemon, James Bouillé, Caouissin Herry, Pierre Péron, etc.
Illustré par René-Yves Creston
Leurs sources d’inspiration gravitent autour de thèmes séculaires bien ancrés dans l’imaginaire breton: toutes les mythologies celtiques, les incontournables légendes bretonnes (Brocéliande et cycle arthurien), le druidisme, la religion (pardons, pèlerinages, vie des saints). Sans pour autant oublier d’y intégrer la vie quotidienne en reprenant les thèmes traditionnels de la ruralité et de la maritimité. Les décors surchargés, la lourdeur sont abandonnés, pour ne laisser qu’un motif, une forme, épurés et conservant malgré tout l’esprit breton / celte. L’art, bien que plus abstrait reste populaire et décoratif ; il est décliné sur les objets de la maison (faïence, textile, mobilier). Aujourd’hui encore, ce renouveau a gardé sa beauté, sa modernité et continue d’inspirer les nouvelles générations d’artistes.
—- Les curieux peuvent voir ici une petite vidéo présentant une exposition sur le mouvement Seiz Breur aux Beaux-Arts de Rennes (2000). —-
L’art néobreton s’étend aussi au design mobilier, avec ici des assiettes dessinées par Jeanne Malivel
Pour terminer, nous vous laissons avec quelques illustrations caractéristiques du mouvement Seiz Breur (tirées de nos étagères), dont « Ene Al Linennou« , un livre important dans lequel son auteur, Xavier de Langlais y expose ses idées sur l’art et notamment l’importance des lignes dans le dessin et la peinture. Un ouvrage proche de l’essai sur l’art décoratif breton!