16 Oct 2020
Kornog-Occident. Revue illustrée des arts bretons. Dastumadenn skeudennek arzou breiz.
Chers amis bretons – de cœur ou d’adoption, nous souhaitons partager avec vous une trouvaille assez rare. Nous avions évoqué à travers ce blog, il y a quelques temps maintenant, le mouvement « Ar Seiz Breur« . Parmi les nombreuses réalisations de ce collectif, une revue bilingue français-breton nommée : Kornog – Occident. Revue illustrée des arts bretons. Dastumadenn skeudennek arzou kreiz. Notre série est exceptionnellement complète et en bon état, à feuilleter sans modération dans notre album !
Les Sept Frères
Le mouvement « Ar Seiz Breur » est né en 1923 suite à la rencontre de plusieurs artistes breton.ne.s partant d’un même constat : l’essoufflement du mouvement artistique breton. Ce dernier est alors figé depuis plusieurs siècles dans un art traditionnel éculé et se cantonne au pittoresque depuis l’arrivée du tourisme parisien en province. Ces différents artistes issus de tous les horizons possibles (arts plastiques, architecture, arts graphiques, arts décoratifs…), souhaitent alors insuffler un renouveau dans cet art issu de la riche tradition celtique.
Les figures de proue sont Jeanne Malivel, René-Yves et Suzanne Creston, Jakes Riou, Youenn Drezen, etc., mais en tout ce sont près de 60 artistes et intellectuels de tous bords qui gravitent pendant une vingtaine d’années autour des Seiz Breur. Pour l’anecdote, ce nom symbolique serait une référence à un conte gallo invoquant la protection des 7 saints fondateurs de la Bretagne.
Une Revue Éphémère
En 1928, les membres du Seiz Breur décident d’utiliser un nouveau médium pour propager leurs idéaux et réalisations : la revue Kornog. Plutôt que de paraphraser les intentions des fondateurs de la revue voici un extrait de leur profession de foi:
Kornog veut redonner à la Bretagne la phalange de peintres, de sculpteurs, de décorateurs, d’architectes, de tailleurs d’images, de musiciens, d’artisans qui lui manquent depuis bientôt 200 ans, et qui jadis firent sa grandeur.
Kornog veut, en les faisant connaître, en les protégeant, rappeler à la vie l’art paysan, l’art populaire, bases de tout art national.
Kornog veut, détruisant la muraille qui bouche la vue dehors et qui s’appelle Paris et son emprise intellectuelle, faire entrer directement les jeunes artistes bretons, comme ceux d’un peuple libre, dans le grand mouvement d’échanges d’idées internationales, et leur faire connaître, sans passer par le filtre édulcorant de Paris, l’art des autres peuples.
Kornog veut révéler au public breton l’art de la Bretagne future, le lui faire comprendre, aimer et soutenir. Les conceptions artistiques que défendra Kornog seront furieusement modernes, car tout art qui ne crée plus est un art mort!
Kornog fera connaître aux jeunes artistes et musiciens bretons l’héritage des arts anciens d’Irlande et de Bretagne. Il sera le lien artistique entre Celtes.
La revue paraît pendant 2 ans puis s’éteint. Un autre périodique prendra la relève: Keltia.
Pour relire ou en savoir plus sur le mouvement Seiz Breur, retrouvez notre article en cliquant ICI !
Si vous souhaitez recevoir nos newsletters thématiques, veuillez cliquer ICI.
21 Avr 2021
0 Comments
Pardons de Jean Urvoy
Il y a quelques temps, nous avions eu la chance de voir passer entre les murs de la librairie un recueil de bois gravés de Jean Urvoy consacré aux pardons en Bretagne. Une opportunité rare comme il s’en présente fort peu, car l’édition de ce recueil a été limitée à 100 exemplaires. Et lorsque la chance se présente à nouveau de pouvoir poser les yeux sur la finesse de ces gravures, il serait dommage de ne pas la partager avec vous. L’artiste est également l’auteur des Images de la Rance, parues en 1934, un superbe album où la qualité des pochoirs et la gouache ajoutent une dimension onirique aux paysages bien connus de la vallée de la Rance.
Chaque album, imprimé en 1936 par L’Ouest-Eclair sur papier Montval, numéroté et signé par l’artiste, se compose de 12 bois gravés et d’une préface de Roger Vercel. Récompensé du prix Goncourt pour Capitaine Conan, ce dernier exulte le trait rugueux mais authentique d’Urvoy qui « a délibérément renoncé à évoquer l’aspect profane des Pardons, leurs danses, leurs ripailles de cidre, leurs mendiants romantiques, tout ce qui s’est greffé de parasite sur la splendeur de la Foi. » Le graveur restitue la vérité, dans toute sa simplicité mais aussi toute sa force, des pardons bretons, ces « cérémonies millénaires » qui mêlent processions religieuses et célébrations païennes. En optant pour l’ascétisme de la gravure sur bois, Urvoy saisit le caractère spirituel de son sujet derrière la farandole de couleurs, les festivités joyeuses et l’énergie des danses, avec un style très sculptural, ajoutant de l’expressivité à une description fouillée de la scène.
Le recueil que nous vous présentons aujourd’hui se compose, comme les autres exemplaires, des 12 gravures et de la préface de Vercel, protégées par la pochette originale de l’album munie d’un rabat intérieur. Contrairement aux autres, celui-ci n’est pas numéroté car il s’agit de l’exemplaire de l’imprimeur offert par Jean Urvoy et comportant l’envoi suivant : » à m. Drouadène maître imprimeur, à qui est due la belle présentation de cet album, cet exemplaire, en témoignage de ma profonde reconnaissance, Rennes le 20 février 1936, Jean Urvoy « . Les planches s’accompagnent de trois feuilles de texte, d’une feuille de justification de tirage, d’une table des matières et d’un envoi de l’artiste. Le très bon état de conservation des feuillets, leur intérieur très frais, préservent la beauté unique de ces gravures, images vivaces d’une Bretagne du passé.
Jean Urvoy (1898-1989), originaire du pays de Dinan, compte parmi les peintres et graveurs importants de la scène artistique de Bretagne au XXème siècle. Enseignant de formation, il est appelé et mobilisé sur le front des deux guerres mondiales, une expérience qui le marquera durablement. C’est dans l’entre-deux-guerres qu’il développe un intérêt pour les pratiques artistiques. Autodidacte, il apprend la gouache avec Jean-Charles Contel et la gravure sur les conseils de Gaspard Maillol. Fait prisonnier en 1940, il rapporte d’Allemagne une vingtaine d’aquarelles sur la vie de camp.
Mais c’est entre 1932 et 1938 que Jean Urvoy dédie à la gravure la plus grande part de sa pratique artistique : elle est, pour lui, « l’arme du pauvre, une arme de combat, mais aussi une œuvre plastique, car elle exige simplicité, sobriété, sincérité, esprit d’analyse, et esprit de synthèse ». Il publie les recueils des Chansons du XVIIIème siècle en 1932, les Images de la Rance en 1934 puis les Pardons en 1936. La guerre et son incarcération ont raison de sa passion pour ce médium – il préférera se consacrer à la gouache – qu’il ne reprendra que dans les années 1960.
Profondément attaché à la Bretagne, Urvoy utilise de nombreuses techniques (aquarelle, gouache, gravure…) pour en restituer la beauté, notamment celle des paysages du terroir de Saint-Michel-en-Grève, de la vallée de la Rance et du pays malouin. C’est en 1965 qu’il fonde « Le Groupe des 7 » aux côtés de six artistes (Yves Floc’h, Frank Le Meur, Pierre Rochereau, Claude Marin, Jean Vercel et Francis Guinard), tous, comme lui, bretons, résidant à Dinan et passionnés par la ville et la culture bretonne. Il est particulièrement fasciné par les ciels nuageux, comme il l’écrit à Roger Vercel, son ami et écrivain : « Il fait un temps splendide, le ciel est d’un bleu stupide, j’aime mieux le ciel gris et la tempête. » Exposé à Vannes, Pont-Aven, Quimper, c’est aujourd’hui le musée d’art et d’histoire de Saint-Brieuc qui abrite dans ses collections l’intégralité des bois gravés de Jean Urvoy.
Pour approfondir l’œuvre de Jean Urvoy et la gravure en Bretagne :