11 Mar 2021
Oeuvres complètes de Rollin en 30 volumes
La collection des Œuvres complètes que nous vous présentons aujourd’hui se compose des trois ouvrages essentiels de Charles Rollin, figure importante de la fin du XVIIème siècle : le Traité des Études, l’Histoire ancienne et l’Histoire romaine, ainsi que d’un dernier volume regroupant le reste de l’activité éditoriale de l’auteur. Composée de 30 volumes, cette édition est augmentée de notes de François Guizot et imprimée chez Lequien en 1826. Cette anthologie présente une reliure Restauration à demi-veau (strictement d’époque) d’une remarquable qualité et d’excellente conservation.
Historien et professeur de français, Charles Rollin (1661-1741) est devenu la référence pédagogique par excellence du XVIIIème siècle. Actif à Paris, sa ville d’origine, Rollin commence sa carrière lorsqu’il est nommé professeur de rhétorique au collège du Plessis en 1687, puis professeur d’éloquence au Collège royal en 1688. Il devient recteur de l’université de Paris en 1694 puis directeur du collège de Beauvais en 1696, où il entreprend de nombreuses réformes. Il est exclu de son poste en raison de sa sympathie pour le jansénisme. Réélu recteur en 1720, il est destitué quelques jours plus tard par lettre de cachet. Écrivain prolifique, la plume de Charles Rollin se concentre principalement sur deux sujets : l’enseignement et l’histoire de l’Antiquité.
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De la manière d’enseigner et d’étudier les Belles-Lettres par rapport à l’esprit et au cœur, plus connu comme le Traité des Études, publié entre 1726 et 1728, retranscrit les différentes expériences pédagogiques de Rollin, notamment les changements opérés par ce dernier au collège de Beauvais. Destiné aux professionnels de l’enseignement, cet ouvrage connaît un fort succès, à un point tel que l’on compte pas moins de 21 éditions entre 1726 et 1845 ! De manière plus discutée, il aurait également influencé l’Émile de Rousseau. Le Traité des Études présente une image réflexive des méthodes d’éducation contemporaines de son auteur : le succès de l’essai réside dans la méthode novatrice de Rollin qui enseignait en français, et prône un usage plus large de la langue vulgaire en lieu et place du latin.
Rollin insiste également sur l’enseignement de l’histoire antique pour la formation morale des élèves.
C’est elle [l’histoire] « qui nous fait entrer en commerce avec tout ce qu’il y a eu de grands hommes dans l’Antiquité ; qui nous met sous les yeux toutes leurs actions, toutes leurs entreprises, toutes leurs vertus, tous leurs défauts : et qui par les sages réflexions qu’elle nous fournit, ou qu’elle nous donne lieu de faire, nous procure en peu de temps une prudence anticipée, fort supérieure aux leçons des plus habiles maîtres. » (III, 3).
Latiniste et helléniste, Rollin est également l’auteur d’une Histoire ancienne (Histoire ancienne des Égyptiens, des Carthaginois, des Assyriens, des Babyloniens, des Mèdes et des Perses, des Macédoniens, des Grecs…) parue une première fois entre 1730 et 1738 et qui a trait à l’histoire de différentes civilisations méditerranéennes et du Proche-Orient durant l’Antiquité. À la suite, il rédige une Histoire romaine depuis la fondation de Rome jusqu’à la bataille d’Actium, publiée à partir de 1738 et terminée par Crevier jusqu’en 1748, après la mort de Rollin. En complément du Traité des Études, ces ouvrages se présentent comme des recueils de vie exemplaires, destinés à inspirer « la bonne morale » et à participer à la construction philosophique et intellectuelle des élèves. D’Aguesseau écrivait très justement à l’auteur, le 16 octobre 1731 : « C’est moins une histoire qu’une leçon perpétuelle de vertu et de grandeur d’âme, d’amour de la patrie et de la religion »
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7 Mar 2023
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Clèves, La Fayette et Laurencin
La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette est un, si ce n’est le, classique parmi les classiques, tant de fois étudié, disséqué, analysé : proto-modèle du roman psychologique moderne, chef d’œuvre de la préciosité , roman historique héritier de la thématique de l’amour idéal impossible, dans la lignée de Tristan et Iseut, et à la fois, très contemporain du jansénisme ambiant de son époque… Cet ouvrage publié anonymement en 1678 et s’ouvrant par cette fameuse phrase: « La magnificence et la galanterie n’ont jamais paru en France avec tant d’éclat que dans les dernières années du règne de Henri II », nous narre les amours de la cour d’Henri Second mais surtout celui entre l’héroïne éponyme et le duc de Nemours.
Il aura définitivement marqué l’histoire littéraire française ; encore fréquemment étudié dans l’enseignement secondaire, il se retrouve également au concours de grandes écoles, en 2022 à l’ENS d’Ulm et de Lyon par exemple.
Cependant cette aura de prestige, quasi-mythique, peut également nuire à la réception de l’œuvre et un petit quelque chose en plus ou un décalage peuvent être nécessaires pour revisiter le texte.
C’est ce que parvient à faire cette belle édition de 1947 éditée chez Robert Laffont et illustrée par 10 eaux-fortes de Marie Laurencin qui grâce à son impression en grand format sur vélin pur fil, nous permet de redécouvrir le bel ouvrage de l’autrice par le travail de l’illustratrice.
On peut voir dans cette rencontre entre les deux femmes à travers les âges un petit cadeau du destin, bien qu’assez différentes en apparences elles partagent peut-être plus qu’on ne pourrait le penser.
Toutes deux femmes artistes ayant fréquenté les milieux mondains et précurseurs de leur époque, elles semblent partager une certaine image du Beau, empreinte d’idéal et de langueur mélancolique. Cela est frappant sur plusieurs des illustrations de cette édition où les personnages, exclusivement féminins, paraissent à la fois magnifiés dans un aspect de pureté essentialiste de la forme et en même temps un peu prisonniers de celle-là, de cette idée qu’on se fait et qu’elles se font d’elle-mêmes. La pose, le regard, le crayonné du crayon de couleurs se confrontant à la ligne épurée des contours semblent nous parler d’un rapport ambiguë à la représentation de l’image féminine et à l’émotion sous-jacente qui ne parvient pas à s’exprimer autrement que par un rougissement des joues.
Et n’est-ce pas également une lecture possible du récit, Mademoiselle de Chartres, future Princesse de Clèves, n’est-elle pas elle même confrontée aux regards incessants de tous et toutes ? Scrutée, observée, c’est par ce regard, réel et de l’esprit, qu’elle se verra vivre sa passion pour le duc de Nemours qu’elle ne pourra jamais réellement acter, cloisonnée par sa loyauté et son honneur.
Il y a quelque chose d’assez beau dans cette rencontre aussi en ce que la vie de l’illustratrice semble être une forme de continuation complémentaire, presque en forme de réponse à l’intrigue du texte et de la vie de Mme de La Fayette.
Car si l’autrice due en son temps publié anonymement, Marie Laurencin elle, aura vécu sa vie de femme artiste pleinement. Côtoyant d’autres grands noms de son époque, compagne d’Apollinaire pendant 6 ans, amie de Max Jacob, Picasso ou encore Georges Braque à différentes périodes, elle aura aussi eu plusieurs amants, elle divorça également à l’entre-deux-guerres et eu une relation libre avec Nicole Groult (mère de Benoîte et Flora), une grande styliste française, qui bien que discrète n’était pas cachée.
Son art quand à lui, souvent qualifiée de « nymphisme » aura eu plus de mal à faire l’unanimité en son temps, parfois moqué pour son aspect « mièvre » par des contemporains tel qu’Arthur Cravan, il peut cependant être aujourd’hui considéré comme un dépassement du cubisme et du fauvisme et sut trouver son public, au Japon notamment.
Ainsi si La Princesse de Clèves a bénéficié d’autres éditions illustrées, notamment par Edme Bovinet, Sergueï Solomko, Etienne Drian, André Édouard Marty ou encore plus récemment par le célèbre couturier Christian Lacroix en 2018 chez Gallimard ; rares sont celles qui atteignent ce degré de connivence entre les deux artistes et ce niveau de rapport méta-textuel.
Alors quoi de mieux que ce précieux livre pour pleinement apprécier et (re)découvrir ce chef-d’œuvre de la préciosité ?