17 Juil 2019
Lectures d’été
L’été et les vacances sont arrivés ! Afin de vous accompagner pendant cette période où l’on a (enfin) le temps de lire, les équipes d’Abraxas-Libris, Neiges d’Antan et les Mains dans les Poches ont sélectionné pour vous quelques livres coups de cœur. Que vous soyez en manque d’inspiration ou curieux de voguer vers d’autres horizons, voici nos conseils lecture pour l’été.
Bruno a choisi:
« Le Livre des Fantômes » de Jean Ray
Pour moi cela sera « Le livre des Fantômes » de Jean Ray, parce que je lis régulièrement le blog d’Abraxas-Libris et que le dernier article m’a donné envie de retrouver l’ambiance de Shinning.
Je cite :
« Par la puissance évocatrice de ses récits hantés, Jean Ray a donc entièrement conquis le cœur de Stephen King : on sent nettement l’influence obsédante du terrifiant « Livre des Fantômes » dans « Shining » par exemple… »
« Une affaire personnelle » de Kenzaburô Ôé
J’ai découvert Kenzaburô Ôé avec le livre : « Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants » pour lequel vous trouverez une petite chronique ici.
Oé est de ces auteurs qui vous prennent aux tripes au propre comme au figuré, tous ses livres sont charnels, violents et forts en émotion. Le soleil de l’été donnera encore plus d’ampleur à cette lecture.
Au passage je vous conseil tous ses livres, notamment les nouvelles : « Le Faste des morts » et « Seventeen » !!!
Bonne lecture.
Le choix de Patricia:
Les nouvelles d’Agota Kristof (« C’est égal », chez Points), aussi tristes et cruelles que la trilogie des jumeaux (« Le Grand Cahier », « La Preuve » et « Le Troisième Mensonge »), mais qu’on peut poser au bout de deux pages (courtes nouvelles) pour pleurer ou respirer un grand coup …
Bonus Polar : La trilogie Écossaise de Peter May, sans doute les trois plus beaux romans de Peter May même si j’aime tout y compris les polars chinois. « L’Île des Chasseurs d’Oiseaux », « L’Homme de Lewis » et « Le Braconnier du Lac Perdu » (Éditions du Rouergue / Babel Noir).
Pas de lien web pour ces livres qui sont à retrouver en boutique (grand format ou poche!). A savoir que les Peter May partent très vite.
La sélection de Bernard:
« La Vie Mode d’Emploi » de Georges Perec
C’est probablement l’un des cent chefs-d’œuvre de la littérature française, et pourtant comme il est difficile de rentrer dans cette liste !
C’est une œuvre totale, un monument qui se lit avec une jubilation quasi-continuelle. Chaque page fourmille de trouvailles, d’humour, d’une humanité souvent bouleversante. « La Vie Mode d’Emploi » a fait maintenant l’objet de dizaines de milliers d’analyses et thèses dans le monde entier.
« Un Cabinet d’Amateur » de Georges Perec
Ce qui intéressant c’est qu’il fait suite à « La Vie Mode d’Emploi », sur lequel Perec a travaillé pendant presque 10 ans. Ce récit – très court, est construit autour d’un jeu de miroirs au sein d’un tableau qui reflète indéfiniment la même scène. A sa manière, G. Perec nous présente le petit monde des collectionneurs, des experts et des ventes d’arts. Vous trouverez ici une interview éclairante de l’auteur qui « en explique les ressorts d’écriture et la composition sous forme de mise en abîme ».
Pour Aude, ce sera:
Ursula K. Le Guin, et en particulier deux romans du « Cycle de l’Ekumen », pour repenser le monde, les sociétés capitalistes, les rapports humains, le sexisme et les genre à travers le miroir déformant de la science-fiction.
« Les Dépossédées » d’Ursula K. Le Guin
Je cite:
« Moins il avait, plus absolu devenait son besoin d’être. »
La fiction a reçu le prix Nebula du meilleur roman en 1974, le prix Hugo du meilleur roman en 1975 et le prix Locus du meilleur roman en 1975.
« La Main Gauche de la Nuit » d’Ursula K. Le Guin
Je cite:
« Je donnerai à mon rapport la forme d’un récit romancé. C’est que l’on m’a appris lorsque j’étais petit, sur ma planète natale, que la Vérité est affaire d’imagination. »
La fiction a reçu le prix Nebula du meilleur roman en 1974, le prix Hugo du meilleur roman en 1975 et le prix Locus du meilleur roman en 1975.
Benjamin vous conseille:
« Les Puits de l’Enfer » de Graham Masterton
Idéal pour cauchemarder sur la plage en été, le livre traite d’une entité ancienne et maléfique liée à l’eau, avec de nombreuses scènes percutantes qui rendraient hydrophobes les plus courageux des baigneurs.
« Rêves et Cauchemars » de Stephen King
Recueil de nouvelles fantastiques très agréables à lire, qui distillent angoisse et suspense de manière inattendue : se promener dans une ville avenante et animée et tomber sur une « Rue Cthulhu » qui ne figure sur aucun plan peut, en effet, semer quelque trouble chez les touristes…
Audrey vous recommande:
« La Joueuse de Go » de Shan Sa
Un roman saisissant au style poétique situé à la veille de l’invasion de la Chine par le Japon. La partie de go cristallise la guerre entre les deux pays, la rencontre entre nne jeune mandchoue et un officier japonais. L’auteure, dont le premier recueil de poésie a été publié à 10 ans, a reçu le Goncourt des Lycéens pour ce roman (2001). Retrouvez ma chronique complète ici, et le livre à la pochothèque !
Retrouvez également ces auteurs dans nos trois librairies, ouvertes 7/7 tout l’été (y compris les jours fériés). De 10h à 19h avec une coupure de 12h / 12h30 à 14h.
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10 Oct 2023
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Le Fleuve Noir de l’espace
Dans l’espace, personne ne vous entendra… lire !
B.R Bruss figure parmi les auteurs prolifiques de SF. Ancien vichyste, il écrira au Fleuve une SF humaniste : »Bruss ne parle pas tant de combats et de conquêtes que de rencontres, de contacts », dira de lui J.P. Andrevon.
Forte de plus de 2000 titres* et de cinq décennies de publication, la collection Anticipation des éditions Fleuve Noir a sans conteste marqué l’histoire de la science-fiction française.
Fondée en 1951, elle connaîtra plusieurs vies, créera des vocations, révélera des auteurs, inspirera des éditeurs avant de s’éteindre en 1997. Un adieu en clin d’œil : cet ultime numéro 2001 s’intitulera L’Odyssée de l’espèce. Un ouvrage de Roland C. Wagner distingué par le Grand prix de l’Imaginaire.
Acquérir les 151 premiers volumes c’est faire entrer dans sa bibliothèque l’aventure de la SF populaire française et sa fantastique variété.
Robe noire
Au cours de sa longue histoire la série connaît plusieurs chartes graphiques. La première, familièrement intitulée « Fusée », en est sans aucun doute la plus emblématique. Avec sa robe noire, ses lettrages manuscrits, ses couleurs vives, elle se distingue aussitôt. Aux pinceaux sévit un unique illustrateur, René Brantonne (voir encadré), garantie d’une identité forte.
Le dos agit comme la rampe de lancement d’une fusée différente à chaque titre : stylisée ou plus réaliste, mono tuyère, flanquée de moteurs auxiliaires (ou bien sont-ce des habitacles ?), filant à l’oblique dans une orbe rouge et blanche vers un nuages d’étoiles multicolores ou un simple astre immaculé… ces variations souvent subtiles, parfois importantes, enrichissent la présentation de la collection.
Il existe autant de fusées que de titres dans la collection, Brantonne les redessinant chaque fois avec l’illustration et la « titraille » de couverture. Vous noterez aussi les variations de l’écriture de la maison d’édition.
Elle reprend en fait le spationef du premier volume de la collection, Le Météore, celui-lui là même qui envoie ces héros inventés par F. Richard-Bessière vers leur quête intersidérale.
Le Météore entraîne, tous feux allumés, ses passagers dans ce 1er numéro de la collection.
De nouveaux univers
Le Fleuve Noir n’a que deux ans d’existence lorsque François Richard crée au sein des éditions la collection Anticipation. Tout d’abord limitée à un unique titre par mois, la fréquence atteindra vers la fin de son existence cinq ouvrages. Les volumes, d’un format poche et de 188 pages, imprimés sur un papier de qualité moyenne, sont vendus à un prix modique. Il s’agit de toucher un large lectorat, accro à l’aventure, pas forcément exigeant sur la qualité ou l’originalité, cherchant l’évasion à peu de frais. En somme, ce que l’on appelle la « littérature de gare », destinée ici à des passagers terrestres avides d’étoiles, de confins et d’explorations plus ou moins scientifiques.
Le space-opera de Richard-Bessière (duo d’auteurs constitué de François Richard et Henri Bessière) par exemple, avec ses Conquérants de l’univers aux quatre épisodes remplit le cahier des charges.
Ici Brantonne reconnaît sa dette envers Ralph Andrew Smith, un éminent illustrateur de la British Interplanetary Society disparu en 1958.
Si des auteurs anglo-saxos figurent parmi les premières publications, dont Poul Anderson, Arthur C. Clarke, Ron Hubbard, Paul French (pseudo d’Isaac Asimov quand il écrit pour la jeunesse) Van Vogt… très vite la collection n’accueillera plus que des écrivains francophones. Certains d’entre eux franchissent alors la passerelle tendue entre littérature d’espionnage ou policière du « Fleuve » et SF ; ils vont écrire au cours des ans plusieurs dizaines de titres, souvent sous pseudonyme. Les Jimmy Guieu (inlassable défenseur de la réalité extraterrestre des OVNIS), les G.J. Arnaud (connu pour sa colossale Compagnie des Glaces) y fourbiront leurs armes… imaginaires.
Le territoire de la science-fiction est vaste et Anticipation en explore les grands espaces : conquête galactique désuète de Jean-Gaston Vandel ou horreur contemporaine de Wyndham avec ses Triffides venus d’outre-espace, sombre évocation des dangers du pouvoir absolu chez Gilles d’Argyre, pseudo de Gérard Klein…
Quelques auteurs se distinguent parmi cette profusion de récits souvent écrits à la chaîne : par exemple Kurt Steiner (pseudo d’André Ruellan) qui, après une carrière de médecin deviendra scénariste pour le grand écran ; ou Stefan Wul, de son vrai nom Pierre Pairault. Comme d’autres écrivains du Fleuve, Wul exerce en marge de l’écriture un métier trop prenant pour lui permettre de créer plus d’une poignée d’ouvrages. Sa SF poétique et humaniste fera de lui un « classique » du genre et au-delà. Oms en série puis L’Orphelin de Perdide, figurants dans ce lot, seront adaptées au cinéma par René Laloux sous les titres La Planète sauvage (1973, avec Topor) et Les Maîtres du temps (1981, avec Moebius). Son œuvre possède une force d’une telle intemporalité que de jeunes auteurs continuent de les adapter de nos jours en BD, chez Ankama.
*Au final, deux mille et un titres plus un hors-série seront estampillés Anticipation.
Sources :
Anticipation – Alain Douilly – Rivière Blanche
Brantonne Illustrateur – Yves Frémion – Kesserling
En Parcourant Le Fleuve – Jean-Pierre Andrevon – in Anthologie Univers, repris sur le blog du Bélial.
https://blog.belial.fr/post/2017/02/24/En-parcourant-le-fleuve#_ftn1