1 Nov 2016
« La Nature », une revue de vulgarisation scientifique fondée en 1873
Nous souhaitons vous parler cette semaine d’un périodique mythique dans le monde des sciences : la revue « La Nature ». Créée par un amoureux des sciences naturelles et des techniques, « La Nature » avait pour but de mettre à la portée de tous les actualités scientifiques et autres inventions de l’époque. Découvrons ensemble les moments-clefs de son histoire et de celle de son fondateur.
La petite histoire de « La Nature »
C’est au milieu de l’année 1873 que paraît le premier numéro de « La Nature », aux éditions G. Masson. Son fondateur se nomme Gaston Tissandier, qui est un chimiste et également pionnier de l’aérostation. Son objectif est simple, il souhaite partager avec le plus grand nombre son intérêt pour les sciences et les inventions. Un engouement assez caractéristique de cette époque, d’ailleurs bien illustrée par le gouvernement alors en place. En effet, le Ministère de l’Instruction publique reconnaît dans « La Nature » une publication de qualité et souscrit un abonnement pour les bibliothèques scolaires et populaires. La revue paraît au début de sa vie chaque semaine jusqu’en 1926. A partir du 1er janvier 1927, elle change de périodicité en devenant bimensuelle puis mensuelle en 1948. Suite au décès de Gaston Tissandier, plusieurs rédacteurs en chef se succèdent, de Henri de Parville à Louis de Launay, en passant par Paul Ostoya. La revue changera de titre 3 fois :
– « La Nature Science Progrès » (1961)
– « Science Progrès La Nature » (1963)
– « Science Progrès Découverte (1969)
En 1972, « La Nature » fusionne avec le mensuel scientifique « La Recherche ».
Gaston Tissandier, digne descendant des Lumières
Ce français naît en 1943 à Paris, 4 ans après son frère Albert. Très vite intéressé par les sciences, il décide d’étudier la chimie au Conservatoire des arts et métiers et se spécialise dans l’étude des gaz. Il poursuit ensuite une carrière d’enseignant-chercheur, au travers de diverses sociétés savantes (Société polymathique notamment). Curieux comme un enfant, il aime par-dessus tout partager ses connaissances, découvertes et observations avec les petits et les grands, ce qui le place dans la lignée humaniste des Lumières.
Gaston Tissandier a également une passion, en relation avec sa vocation scientifique : l’aéronautique. S’intéressant de près à la météorologie et aux phénomènes atmosphériques, il n’aura de cesse, à l’aide de son frère Albert, de repousser le progrès dans le domaine de l’aérostation. Lors du siège de Paris, ses récentes avancées permettront notamment l’observation des champs de bataille. Il accomplira par la suite d’autres exploits inédits dans le domaine de l’aérostation, en battant par exemple le record de durée de vol les 23 et 24 mars 1875 (22h40 à bord du ballon le Zénith).
Outre ses épopées aéronautiques, Gaston Tissandier restera un grand aventurier des sciences et du progrès. Il n’aura de cesse d’écrire et de publier des ouvrages de vulgarisation scientifique, et se verra d’ailleurs décerner de nombreux prix, dont la Légion d’honneur. Humaniste avant tout, il aura su insuffler dans « La Nature », la joie du partage des connaissances et de l’éveil au savoir scientifique.
13 Nov 2016
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« La bête est morte ! » La guerre en bande dessinée par Calvo et Dancette. Edition originale.
Zoom cette semaine sur une interprétation décalée de la Seconde Guerre Mondiale. Celle de Victor Dancette et surtout d’Edmond-François Calvo, qui réunissent leurs talents sous la forme d’une bande-dessinée à l’influence cartoon et Disney. Leur projet se nomme « La bête est morte ! La guerre mondiale chez les animaux » et comprend deux fascicules.
Nous vous proposons en librairie leur édition originale !
Une satire animalière sanglante
Sous ses airs de cartoon destiné aux enfants, « La bête est morte ! » n’en est pas moins une satire violente de la seconde guerre mondiale. Le dessin de Calvo n’a rien d’édulcoré et n’épargne pas les enfants de certaines visions d’horreur, à l’instar du dessin de la gare de Bécon-les-Bruyères qui reproduit avec un réalisme cru les atrocités de la guerre. Bien que patriotes, à l’image de leur public, les auteurs restent lucides sur les origines de la guerre ainsi que sur les erreurs commises par la France, comme le contournement de la « Ligne Livarot » (Maginot) par les forces allemandes. Les références historiques et culturelles ne manquent pas. On pense notamment à la libération de Paris, représentée par un hommage au tableau « La liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix.
Dancette et Calvo utilisent leur propre dénomination pour personnifier leurs protagonistes à plumes et à poils. Ainsi les allemands sont les loups, avec à leur tête « le Grand Loup, toujours en fureur » secondé par « le Cochon Décoré » (Hermann Göring). Dans le camp des Alliés nous retrouvons : les américains représentés par les bisons , les belges par les lionceaux, les britanniques par les dogs et les français pas les lapins, grenouilles, écureuils et cigognes. La « bête » présente dans les titres, « déchaînée », puis « terrassée » étant bien évidemment une allégorie du nazisme.
Calvo, digne représentant de « l’école française »
Edmond-François Calvo est né en 1892 dans la Seine-Maritime de parents commerçants. Il s’essaye à plusieurs métiers, d’artisan du sabot à aubergiste avant de passer définitivement au dessin, mais seulement en 1938. De 1919 à 1921, Calvo fait ses armes au « Canard Enchainé » en tant que caricaturiste. En 1938 il collabore avec les publications Offenstadt en illustrant notamment les revues jeunesse « Fillette« , « L’épatant » et « Junior« .
C’est en illustrant « La bête est morte ! » en 1944 et 1945 que Calvo entre dans la postérité. Le succès est immédiat et tel que Walt Disney le contacte pour lui proposer de travailler dans ses studios. Calvo refuse et se plonge dans différents projets personnels : « Rosalie« , le « Cricri journal » ou encore « Moustache et Trotinette ». A l’image d’autres dessinateurs pour enfants de sa génération (Marijac, Auguste Liquois, Jean Trubert, Le Rallic et Roger Lécureux), Calvo serait probablement tombé dans l’oubli sans cet ouvrage phare. Ces dignes représentants de l’école française seront en effet éclipsés peu de temps après par l’essor de l’école belge (années 1950). Pour l’anecdote, notre incontournable dessinateur et scénariste de bande dessinée Albert Uderzo rendait souvent visite à Calvo, en qui il disait reconnaître son maître.
Nous vous proposons donc de (re)découvrir cette BD incontournable de notre Histoire. Les amateurs du genre connaissent peut-être le « Maus« * de l’américain Art Spiegleman, qui dans les années 1972 et 80 transpose le génocide juif dans un univers animalier. A noter que son vénérable ancêtre « La bête est morte ! » est la première bande dessinée à mentionner l’existence de la Shoah. Une édition originale assez rare dans cet état de conservation et qui n’a rien perdu de son mordant.
Maus signifie souris en allemand.