12 Juil 2016
« Sapho » et « L’Aiglon », nos deux étonnantes et précieuses reliures Jotau
Cette semaine, nous souhaitons vous faire découvrir deux ouvrages à la reliure des plus particulière ! Il s’agit de « Sapho » d’Alphonse Daudet (1929) et de « L’Aiglon » d’Emond de Rostand (1928). Et si vous voulez en savoir plus sur les reliures Jotau, c’est par ici !
Des reliures aussi belles que fragiles
Au toucher, le livre est lourd, mais aussi lisse et satiné. Plusieurs théories existent concernant la matière utilisée pour la fabrication de ces reliures. Pour certains, il s’agirait de pollopas (un matériau proche de la galalithe) et pour d’autres, d’un type de bakélite. Dans tous les cas, il s’agit d’un polymère thermodurcissable, de la matière plastique en somme, qui vers 1930 commence tout juste à être utilisée dans l’industrie et dans l’art-déco. Le dos et les plats de la reliure sont articulés grâce à des charnières de type « piano », permettant d’ouvrir le livre complètement et rendant la manipulation des plus agréables. Malheureusement, il s’avère que la fragilité relative et le coût de ce type de reliure ont mis fin au procédé de fabrication. A manipuler avec précaution donc, car les coins et charnières ont tendance à casser sous les chocs ! Nos deux exemplaires ne présentent cependant ni manque ni fêlure!
On remarque que les titres sont gravés dans du métal poli (en étain, plus précisément) et que dans le cas du « Sapho » d’Alphonse Daudet, la pièce de titre est encadrée par deux frises décoratives de style Art Déco. Il faut également préciser que les plaques correspondent bien au titre et à l’auteur des ouvrages (ce qui n’était pas toujours le cas avec les reliures Jotau) !
Une fois le livre ouvert, un autre atout de charme apparaît : les gardes, mises en valeur par les larges marges de pollopas noires. Faites de papier peint avec des motifs d’écaille, leurs couleurs vives et chamarrées sont remarquablement belles !
Le procédé Jotau et l’industrialisation du livre
Intéressons-nous maintenant à la fabrication de ces intéressantes reliures ! En 1908, Joseph Taupin (Jo-Tau) rachète une petite maison de cartonnage et de brochage de livres située à Paris. C’est lors d’un séjour aux États-Unis qu’il découvre les nouvelles méthodes de production à l’américaine mettant en avant la rationalisation des tâches et la gestion d’entreprise. Séduit, Taupin décide d’utiliser ces nouveaux procédés à son retour en France. Il devient ainsi le premier relieur d’envergure industrielle. En 1923 et par l’intermédiaire de la maison Hachette, l’entreprise de Joseph Taupin s’associe à l’Imprimerie Paul Brodart. En 1957, leur production journalière s’élève à 175 000 livres ! Cette entreprise historique a définitivement fermé ses portes en 2010.
Cette reliure Jotau est un intéressant essai, cherchant à mêler innovation industrielle et esthétisme. En effet, cette reliure industrielle est un produit typique des recherches techno-artistiques Art Déco des années 1920. Joseph Taupin aurait même breveté son procédé de fabrication, ce qui paraît peu probable. On peut qualifier le travail de Taupin sur cette reliure « d’avant-gardiste » étant donné l’esthétique très recherchée pour l’époque, comparable à des créations plus contemporaines.
Les confrères de Joseph Taupin disaient de lui : « Taupin est à la reliure ce que Citroën est à l’automobile ».
12 Juil 2016
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La Nuit du Jabberwock, de Fredric Brown
Voici (re)venir un des Dieux de mon Panthéon : FRÉDRIC BROWN !
Frédric Brown était correcteur pour les pulps, ces petits magazines édités chaque mois sur papier de mauvaise qualité (d’où le nom de pulp, faisant référence au papier utilisé), et consacré aux littératures de genre (policier, science-fiction, etc.). Et c’est là, en se frottant au plus proche des textes et de leur facture, qu’il a pris le virus : il s’est mis à écrire.
Des romans policiers, beaucoup. Simplement deux romans de science-fiction (dont l’incroyable Martiens Go Home !, dont j’ai déjà parlé ici). Mais surtout des nouvelles, dans tous les genres, de toutes tailles (il maîtrise incroyablement les très (voire très très) courtes nouvelles, comme dans Fantômes et farfafouilles !)
L’une de ses très grandes réussites (je réalise que cette entame de phrase, je peux l’employer pour toutes ses oeuvres…), c’est un roman policier étrange et fascinant : La Nuit du Jabberwock. Doc Stoeger, directeur du journal local et grand amateur de whisky et de littérature (il voue un culte à Lewis Carroll) vient de boucler son édition. Il va, comme à son habitude, au bistrot de l’autre côté de la rue. En passant la porte, c’est comme s’il traversait le miroir… Il se retrouve dans le monde de son idole, avec des gangsters qui croisent des borogoves… Il tente d’éviter, comme il peut, les tueurs et les cadavres, mais surtout le Jabberwock, qui s’est lancé à ses trousses. En une seule nuit, tout se précipite. Est-ce que tout a basculé pour lui ? Est-il fou ou est-il réellement passé de l’autre côté du miroir ? Sinon : quoi d’autre ?
D’ailleurs, toi, le lecteur : est-ce que tu lis un roman policier ou un roman fantastique ?…
En tout cas, ce qui est certain, c’est que c’est un sacré bon roman ! À lire, sans hésitation !